Olivier Maurel

Écrivain militant – Non à la violence éducative !

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Sud Radio « C’est vous » – Olivier Maurel répond à Cyril Brioulet

À l’occasion de la Journée de la Non-Violence Éducative (le 30 avril), Olivier Maurel répondait aux questions de Cyril Brioulet dans l’émission « C’est vous », sur Sud Radio.

Vous pouvez réécouter l’émission sur le site de Sud Radio ou directement ici.

By Olivier Maurel

Deuxième lettre ouverte à Emmanuel Jaffelin

Retrouvez la première lettre ici

Cher Monsieur,

Merci pour votre réponse. Dès que je l’ai reçue, j’ai commandé votre Apologie de la punition qui, grâce à la magie de la wifi m’est arrivée en une minute.

Après lecture dans la journée de votre livre, je suis d’accord avec vous : nous sommes moins ennemis que je ne le pensais. Ou plus exactement moins ennemis que vous ne pensiez que je le pensais. Car en fait je ne vous ai jamais considéré comme un ennemi, mais comme quelqu’un qui manquait d’information sur le sujet précis des punitions infligées aux enfants.

Oui, je suis d’accord avec vous sur une multitude de points. Quand vous écrivez par exemple :

  • qu’il faut « chercher une dynamique visant à remettre le fautif en mouvement vers lui-même en même temps que vers la société » ;
  • qu’il faut « ouvrir la société pour que l’humanité prenne une nouvelle respiration »
  • qu’ « il y a en l’homme une force et une ressource qui sont, la plupart du temps, aussi peu exploitables que le pétrole enfoui dans les entrailles de la terre » ;
  • qu’il s’agit de « réparer, recoudre, restaurer » ;
  • que mieux vaudrait une justice réparatrice
  • que le système carcéral actuel est inacceptable, etc.

Et je pourrais encore longtemps poursuivre l’énumération de mes points d’accord.

Même quand vous parlez des enfants et que vous suggérez les nombreuses formes que peut prendre ce que vous appelez la « punition » : discussion, confrontation avec la ou les personnes impliquées dans la faute, recommandation d’aller s’excuser, restitution de ce qui a été dérobé, réparer ce qui a été abîmé. Tout cela me paraît bel et bon, mais je ne vois pas la nécessité de concevoir tout cela comme une « punition ». On peut le concevoir, comme vous le dites très bien, comme une réparation de la relation. Et je ne vois surtout pas la nécessité de rendre cette réparation humiliante. On peut très bien expliquer à l’enfant que si c’était lui qui était victime de la faute en question, il serait sûrement heureux de voir l’auteur de cette faute venir s’excuser et réparer. Et la privation ne me paraît pas nécessaire non plus, sauf si elle fait partie de la réparation.

Vous reconnaissez dans une note que la remise en question de la fessée et de la gifle sur la base de ses conséquences neurologiques mérite considération. C’est cela qu’il vous faut approfondir. Si vous le faites, comme je vous y ai invité dans mon premier message, vous ne pourrez plus recommander à la légère, comme vous le faites actuellement la gifle et la fessée.

Vous dites que la gifle doit être infligée avec parcimonie, que si elle devient trop fréquente elle est un échec. Vous la voyez comme le résultat d’un simple mouvement d’humeur dans le « corps à corps » familial où elle doit alterner avec les caresses. Mais la gifle n’est pas qu’un mouvement d’humeur. Elle est la répétition des gifles qu’ont subies les parents eux-mêmes et qu’ils répètent par mimétisme. Nos cousins les grands singes ne giflent pas leurs petits. C’est chez nous un réflexe acquis. Dans les pays où l’on frappe les enfants à coups de bâton, c’est le coup de bâton que l’on juge être un simple mouvement d’humeur. De plus, le risque de la répétition fréquente est d’autant plus grand qu’à partir d’un certain âge, l’enfant peut répondre par le défi : « Même pas mal ! ».

Vous citez le cas de Anders Behring Breivik, le tueur norvégien, qui a dit avoir manqué de discipline. Mais si l’on en juge par l’attitude de son père qui a quitté sa mère alors que l’enfant n’avait que un an et qui lui a marqué de plus en plus d’indifférence jusqu’à ne plus le voir du tout à partir du moment où il a eu 16 ans, et à refuser de le revoir onze ans plus tard, quand il a eu 27 ans, c’est bien évidemment d’affection et d’attention qu’il a surtout manqué. Si sa mère n’a pas compensé, ou si elle l’a élevé avec rudesse, ou les deux, il n’est pas étonnant que Breivik soit devenu ce que l’on sait. Le manque d’attention est une des pires violences.

Vous écrivez : « L’absence de punition est un semis invisible de violence. » Ce qui sous-entend que moins on punit, plus il va y avoir de violences. Or, cette affirmation est totalement démentie par l’histoire. La société des siècles passés où l’on punissait beaucoup plus violemment les enfants qu’aujourd’hui était incomparablement plus violente. Les révolutions et les conflits politiques et sociaux en France y ont fait au XIXe siècle des milliers de morts. Au XXe, où la violence éducative a heureusement beaucoup baissé en intensité, les mêmes conflits (à l’exception des guerres internationales et coloniales), ont fait certes, trop de victimes, mais incomparablement moins qu’au XIXe où tous les adultes avaient acquis dès leur enfance un seuil très élevé d’intolérance à la violence. Exactement comme aujourd’hui dans les pays où l’on s’entre-massacre de façon épouvantable et où les enfants sont élevés comme on les élevait en France au XIXe siècle.

A voir les quelques allusions que vous y faites, vous semblez encore croire à la théorie des pulsions de Freud. Plus on approfondit la recherche sur le développement du cerveau et du comportement des enfants, plus on voit que cette théorie est complètement dépassée. Les pulsions de parricide, d’inceste et de mort sont des mythes. En réalité, les enfants, qui sont, comme vous le rappelez avec Aristote, des animaux sociaux, naissent avec des comportements innés qui sont tous relationnels : attachement, imitation, empathie, altruisme (regardez les expériences de Warneken sur internet). Ces comportements innés leur confèrent des prédispositions à vivre en harmonie avec leurs semblables. Si ces prédispositions sont convenablement cultivées par des parents réellement présents, affectueux et attentifs, elles se développent. Mais si on traite les enfants avec gifles et fessées, comme vous le recommandez, on pervertit ces prédispositions. L’enfant apprend qu’attachement et violence peuvent aller ensemble (bonjour la violence conjugale, voire le masochisme!), ses neurones miroirs enregistrent les gestes de violence de ses parents et le préparent à les reproduire sur plus faible que lui (à l’imitation du schéma adulte frappeur- enfant), sa capacité d’empathie peut être réduite, voir détruite par la nécessité de se blinder, et son altruisme naturel peut être découragé. Sans compter les effets sur sa santé physique et mentale par le biais du stress subi dans une situation où l’enfant ne peut ni fuir ni se défendre (cf. les expériences de Laborit).

Ce dont vous ne vous rendez pas compte, il me semble, c’est que vous vivez non pas dans un monde où les enfants sont majoritairement rois, mais dans un monde où, dans la majorité des pays, les enfants sont encore battus à coups de bâton et de fouet, et que quand les parents qui utilisent ces méthodes entendent vos propos, ils se disent : «Nous avons bien raison de ne pas suivre les conseils des Occidentaux, eux-mêmes en reviennent. Regardez ce philosophe si sympathique qui recommande de punir, d’humilier et de frapper les enfants. Ne changeons surtout pas nos méthodes ! »

Vous avez actuellement accès aux médias : je vous en prie, ne détruisez pas par des propos inconsidérés tout le travail que nous sommes quelques-uns à mener en permanence pour que les enfants soient traités partout avec le respect dont ils ont besoin. N’oubliez pas que lorsque vous vous exprimez à la radio ou à la télévision, on ne retrouve dans vos propos aucune des nuances que vous avez mises dans votre livre, notamment par exemple, sur les conséquences neurologiques de la gifle ou de la fessée, et que tout ce qu’on retient, c’est : giflons, fessons, punissons, humilions les enfants pour ne pas en faire des enfants rois ! Est-ce vraiment le résultat que vous voulez obtenir ?

Bien cordialement.

Olivier Maurel

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Les chiens de Seligman et la violence éducative.

Article publié le 16 janvier 2014 sur ma page Facebook.

Les défenseurs des punitions corporelles les justifient parfois par la dureté de la vie : « Il faut bien y préparer les enfants », nous dit-on.

Les punitions corporelles seraient en quelques sorte un entraînement qui permettrait aux enfants de mieux affronter les épreuves de la vie. Mais ce n’est pas ainsi que fonctionnent les mammifères que nous sommes. Les expériences menées sur des chiens par le psychologue américain Martin Seligman, en 1976, et dont je n’ai parlé dans aucun de mes livres, ont montré au contraire qu’un animal puni perd une partie de son aptitude à réagir aux situations de stress. Ces expériences sont cruelles, mais du moment qu’elles ont été faites et qu’il est trop tard pour les empêcher, tant vaut-il au moins profiter de leur enseignement.

Seligman a soumis des chiens à des chocs électriques dans deux cages différentes : l’une dans laquelle le chien pouvait interrompre les chocs en appuyant sur un levier, l’autre qui n’offrait aucune possibilité d’action sur le circuit électrique. Placés ensuite dans une situation nouvelle où, enfermés également dans une cage, les deux chiens pouvaient facilement échapper aux chocs électriques en franchissant une cloison basse, ils ont réagi différemment.

Le premier chien qui avait pu échapper aux chocs électriques avait gardé intacte sa capacité à réagir à une situation dangereuse, et il a immédiatement franchi la cloison qui l’a mis à l’abri des chocs. Le second, qui avait appris son impuissance à maîtriser une situation potentiellement dangereuse, a subi passivement les chocs et n’a pas cherché à franchir la cloison. C’est ce qu’on a appelé l’impuissance apprise ou « learned helplessness ».

Il serait bon que tous les parents et tous les enseignants connaissent cette expérience. Les enfants soumis à des violences auxquelles ils ne peuvent pas échapper, puisqu’ils sont totalement dépendants de leurs parents, apprennent non seulement par leur intelligence mais aussi par leur corps, un comportement d’impuissance et de résignation à l’échec qui peut être dangereux.

Ainsi, l’expérience des punitions loin de préparer à affronter les difficultés de la vie, provoque au contraire une incapacité à réagir face à ces mêmes difficultés. Il est très probable que les violences verbales ou psychologiques, notamment les jugements dépréciatifs, agissent de la même façon sur le psychisme ; que la soumission à la violence conjugale prend sa source dans les mêmes expériences d’échec subies depuis la petite enfance sous les punitions des parents et que l’habitude de recevoir des fessées risque de rendre les enfants incapables de réagir de façon appropriée à un abus sexuel.

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Violence conjugale et violence éducative

La campagne contre les violences conjugales fait assister à une dispute entre deux personnages dont on ne voit que les pieds, des pieds d’enfants, un garçon et une fille, dans des chaussures d’adultes. Cette dispute se termine par un coup violent donné par le garçon à la fille qui en est renversée.

Suit un écran noir sur lequel s’inscrivent ces trois phrases : “Les enfants apprennent beaucoup de leurs parents, y compris les violences conjugales. En France, une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups de son compagnon. Mettons fin au cycle de la violence”.

On ne peut qu’approuver une telle campagne. Il est heureux que l’opinion de ses responsables en soit arrivé à un degré de prise de conscience qui la rend possible. Si l’on remplaçait le couple des deux enfants par un enfant frappé par un de ses parents, il serait à peine nécessaire de modifier le texte : “Un enfant apprend beaucoup de ses parents, y compris la violence”.

Mais je doute que l’opinion publique soit prête à supporter un tel message. Et que les médias soient prêts à le diffuser.

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Graines de non-violence – Violence conjugale

Graines de non-violence

Chroniques radiophoniques

90 secondes sur la non-violence

Violence conjugale

La Délégation aux victimes du Ministère de l’Intérieur a publié une étude sur les décès au sein du couple.
Elle montre que 166 femmes et 26 hommes ont été tués en 2007 par leur compagnon ou compagne. Donc, en moyenne une femme tous les deux jours et demi et un homme tous les quatorze jours. Mais, la moitié des hommes tués par leur compagne, lui faisaient subir des violences.
Sur le site santé du gouvernement français, on peut aussi trouver une analyse des causes de la violence sur les femmes.
On y apprend que les hommes les plus enclins à la violence sont

  • les hommes autoritaires, volontiers psychorigides, ou encore des hommes impulsifs capables d’actes agressifs irrationnels, ou encore des hommes à la personnalité perturbée ayant peu d’estime d’eux-mêmes
  • les hommes victimes de violences ou d’abus sexuels dans leur enfance qui reproduisent à l’âge adulte ce qu’ils ont subi
  • les psychopathes, paranoïaques et autres pervers (je préfèrerais qu’on dise : pervertis) qui représenteraient 15 à 25 % des hommes violents
  • les migrants qui arrivent de pays où les femmes ont un statut d’infériorité
  • et enfin les alcooliques.

Si l’on tient compte du fait que la psychorigidité, l’impulsivité, le manque d’estime de soi, les perversions de toutes sortes et l’alcoolisme ont souvent pour cause lointaine une éducation violente ou gravement carencée, et que les pays où le statut des femmes est très infériorisé sont les mêmes où l’éducation est très autoritaire, on voit quelle peut être la part de l’éducation dans la violence conjugale.

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Graines de non-violence – Une violence modérée ?

Graines de non-violence

Chroniques radiophoniques

90 secondes sur la non-violence

Une violence modérée ?

Les articles sur les punitions corporelles infligées aux enfants, ce que j’appelle la violence éducative ordinaire, sont très souvent construits sur le même schéma.
On commence par évoquer, selon l’actualité qui suscite l’article, soit le point de vue des partisans de la fessée, soit celui de ses adversaires. Puis, on fait appel à des spécialistes dont le point de vue est intermédiaire. Ceux ou celles qui disent, par exemple, qu’il ne faut pas banaliser la fessée, mais qu’il ne faut pas non plus la diaboliser; ou bien qu’il ne faut l’employer que rarement, mais qu’il faut la garder en réserve.
Mais dans une société où la fessée est précisément banalisée et où 80% des parents l’utilisent, selon les dernières études, cela revient à cautionner son emploi et à faire apparaître les adversaires des punitions corporelles comme des ayatollahs intransigeants, alors que la sagesse serait dans la modération, c’est-à-dire dans l’acceptation d’un peu de violence, mais pas trop.
Que penserait-on d’un article sur la violence conjugale où, après avoir rapporté le point de vue d’un conjoint violent et celui d’une femme battue, on ferait appel à des spécialistes “sages”, “modérés”, dont le point de vue consisterait à dire qu’il ne faut pas trop frapper les femmes, jamais en tout cas avec un bâton ou une ceinture, mais qu’une claque de temps en temps peut être utile à l’harmonie conjugale.
C’est pourtant là que nous en sommes en ce qui concerne la violence avec les enfants. Mais nous ne nous en apercevons pas, parce que cette violence “modérée”, nous avons appris à l’accepter depuis notre petite enfance.

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Lettre à Claude Halmos

Madame,

J’apprécie fort votre réaction contre l’actuel retour à l’autoritarisme qui se manifeste à travers les ouvrages d’Aldo Naouri ou de Didier Pleux.

Mais à la lecture de votre intervention dans le magazine Elle du 27 novembre, j’ai l’impression que vous avez des punitions corporelles une vision mythique qui m’étonne de la part de quelqu’un qui, par ailleurs, a des positions si louables.

Vous opposez, d’un côté la maltraitance qui serait le fait des parents sadiques qui prennent plaisir à frapper leur enfant ou qui ne connaissent que ce moyen pour faire obéir leurs enfants, et de l’autre, les parents tendres, affectueux, respectueux, qui parlent à leurs enfants, et à qui, exceptionnellement, un jour, échappe une fessée quand l’enfant qui est allé trop loin les a excédés.

Cette vision est irréaliste. Le parent qui arrive à ne donner qu’une seule fessée « un jour » est un mythe. Un enfant qu’on a commencé à frapper a toutes les chances d’être frappé régulièrement, voire souvent. Un enfant qui commence à être frappé, à moins qu’il ne soit très docile, devient assez vite indifférent aux coups, et il en faut plus d’un pour qu’il obéisse. Ce qui a toutes les chances d’engager les parents sur la voie d’une escalade où l’enfant va passer de l’unique fessée mythique à une fessée par an, par mois, par semaine, ou par jour, avec tous les dégâts que cela peut causer à sa santé physique et mentale.

Vous semblez ne pas voir qu’il n’y a pas de solution de continuité entre les formes de violence tolérées à l’égard des enfants et celles que nous appelons maltraitances, mais qui sont très souvent le simple résultat d’une escalade tout à fait semblable à celle que l’on constate dans la violence conjugale. Si la femme menacée par son mari ou son compagnon n’a pas su dire fermement « Non ! » dès la première menace, son compagnon risque fort de passer des menaces aux actes et de s’engager dans des violences de plus en plus fortes. Or, pour des enfants qui n’ont pas le pouvoir de dire non ni de menacer de quitter leurs parents, c’est la société qui doit poser un interdit très clair avant même la première violence, si faible soit-elle.

Et, en admettant même que l’enfant obéisse à la première, à la deuxième ou à la troisième fessée, que lui aura-t-on appris, sinon la soumission à la violence dès le plus jeune âge, soumission à une intrusion extérieure qui est le contraire de l’apprentissage de l’obéissance à sa conscience ou à son intelligence, c’est-à-dire de l’autonomie ? Cette même soumission produira plus tard, par exemple, des automobilistes qui obéissent non pas au code de la route, mais à la menace du gendarme.

L’exemple des pays qui ont interdit cette violence, comme la Suède qui est celui où l’interdiction est la plus ancienne, et qui ont su l’accompagner des mesures nécessaires (information, soutien aux parents) montre bien que le nombre de décès d’enfants par maltraitance diminue après le vote de la loi d’interdiction. C’est donc une contre-information que vous donnez lorsque vous dites qu’ « une loi ne changera rien pour les enfants maltraités ». Bien au contraire, la tolérance de la société envers les punitions corporelles infligées aux enfants est le terreau de la maltraitance, de même qu’elle est le terreau de la violence par l’exemple qu’elle donne aux enfants, et de l’incivisme par l’habitude qu’elle donne de n’obéir qu’à la violence.

Légiférer ce n’est pas faire du mal aux enfants en leur donnant une mauvaise image de leurs parents, c’est aider les parents à ne pas faire une chose qu’ils savent (parce que c’est interdit) anormale et inutile, c’est les conforter dans la certitude qu’il ne faut pas le faire ! C’est donc aider les parents à donner une meilleure image d’eux à leurs enfants ! Ce n’est pas une mesure de répression, c’est une mesure de prévention.

Veuillez agréer, Madame, mes respectueuses salutations.

Olivier Maurel
Président de l’Observatoire de la violence éducative ordinaire
(www.oveo.org)

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Enfance : faut il interdire la fessée ?

Interview publiée sur le site NPA2009.org

La proposition de loi Antier, comme la Palme d’or à Cannes du film Le ruban blanc, montrent bien que la violence infligée aux enfants est devenue une question de société incontournable, mais qui divise profondément la société.

Comment analysez-vous cette situation ?

Au milieu du xixe siècle, en France, frapper les enfants à coups de bâton paraissait encore normal. Pour nous, aujourd’hui, c’est de la maltraitance mais les gifles et les fessées paraissent encore normales à beaucoup de gens. L’évolution dans ce domaine s’est toujours heurtée à beaucoup de résistances.

Comment expliquez-vous qu’un nombre non négligeable de pédagogues, de psychologues et de psychiatres s’opposent à l’interdiction ?

Comme 80 à 90% des enfants, ils ont subi des punitions corporelles à un âge où ils ne pouvaient pas remettre en question leurs parents. L’enfant qu’ils étaient se sentait coupable. Et ils portent encore en eux cet enfant qui ne veut pas condamner le comportement de ses parents.

D’autre part, les professionnels de l’enfance opposants à l’interdiction ont en commun de croire à la théorie des pulsions, selon laquelle l’enfant est animé de désirs de parricide, d’inceste et de meurtre. Cela correspond d’ailleurs parfaitement à ce que croit de lui-même l’enfant frappé: « Je suis mauvais ». Ainsi, cette théorie, d’ailleurs curieusement proche de celle du péché originel imaginée par Saint Augustin (qui fut lui-même beaucoup battu à l’école), justifie le désir inconscient des enfants de ne pas accuser leurs parents.

Enfin, la plupart des professionnels de l’enfance sont très mal informés sur la réalité de la violence éducative que même les études les plus pointues et les rapports officiels sur la violence en général ignorent.

Quelle différence faites-vous entre la maltraitance caractérisée et ce que vous appelez la « violence éducative ordinaire » ?

Si on représente par un iceberg l’ensemble des violences subies par les enfants dans un but éducatif, la maltraitance n’en est que la partie émergée, celle que tout le monde dénonce, et la violence éducative ordinaire, la partie immergée, à laquelle personne ne fait attention. Le volume de la première dépend de celui de la seconde. Le taux de maltraitance dans une société est proportionnel au niveau de violence ordinaire qui y est toléré.

Quelles sont d’après vous les origines de cette violence ?

C’est pour l’essentiel la reproduction par mimétisme de ce qu’on a subi. Les neurones miroirs présents dans notre cerveau enregistrent les comportements que nous voyons et nous préparent à les reproduire. Ce qu’apprend à son enfant un parent qui le frappe, c’est à frapper. Et pire : à frapper un être plus faible que soi. La plupart des auteurs de violences conjugales ont subi des violences dans leur enfance.

Quels en sont les effets sur les individus ? Et sur les sociétés ?

Sur les individus : une longue liste de maladies ou de vulnérabilités physiques et mentales dues à l’altération du système immunitaire par les hormones du stress, comme le montre un rapport de l’OMS de 2002. Sur les sociétés, l’habitude acquise d’obéir à des stimulations violentes a trois effets principaux : reproduction de la violence par mimétisme (tous les pays où se sont produits de grands massacres ou des génocides sont des pays où la violence éducative est ou était intense), soumission à la violence qui prépare de la chair à canon à tous les dictateurs, et l’incivisme et la corruption par habitude de la débrouille en catimini pour éviter les coups.

Pourquoi interdire par une loi ? Le travail de conviction et d’éducation ne serait-il pas plus efficace à terme ?

Ce travail est indispensable, mais il est trop lent, parce que la motivation de la violence éducative est inconsciente et remonte à notre petite enfance. À l’autorité de nos parents logée dans notre inconscient doit se substituer une autorité supérieure, celle de la loi qui déclare très clairement que toute violence à l’égard des enfants est interdite. L’expérience des pays qui ont réalisé cette interdiction, avec une campagne d’information intelligente et réitérée et un accompagnement des parents, montre que le basculement de l’opinion publique peut se faire rapidement. D’autant plus qu’aujourd’hui, beaucoup de jeunes parents veulent élever leurs enfants sans violence.

Propos recueillis par Pierre Vandevoorde

Olivier Maurel anime depuis 2007 l’Observatoire de la violence éducative ordinaire (oveo.org). Il a écrit plusieurs livres, parmi lesquels La Fessée (éditions La Plage, 2001) et Oui, la nature humaine est bonne ! (éditions Laffont, 2009, voir TEAN La Revue n°6).

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Violence éducative et Eglise catholique

Olivier Maurel, Danielle Claquin, Françoise Reynès.

Ce que vous faites à un de ces petits, c’est à moi que vous le faites (Évangile).

1 – Danielle. Pouvez-vous rappeler brièvement la définition que vous avez donnée de la violence éducative dans la précédente émission ?

La “violence éducative ordinaire”, c’est le niveau de violence qu’une société donnée considère comme normal pour éduquer et faire obéir les enfants. C’est par exemple, en France, la gifle et la fessée. Mais les coups de ceinture et de bâton, sont vus comme de la maltraitance.

Mais le niveau de la violence éducative ordinaire varie selon les pays : en Afrique, par exemple, la bastonnade est considérée comme normale; en Suède et dans les douze pays qui ont interdit toute violence éducative, même la gifle est considérée comme maltraitance.

2 – Françoise. En moyenne, dans le monde, est-ce qu’on est plus près de l’Afrique ou de la Suède ?

Sans aucun doute de l’Afrique. La baisse du niveau de la violence éducative dans la plupart des pays européens fait que nous ne nous rendons pas compte avec quelle violence les enfants sont battus quasi quotidiennement partout ailleurs (comme ils l’étaient en France il y a un siècle et demi ou deux), à quelques exceptions près, à l’école et à la maison. Et il faut avoir cela bien présent à l’esprit pour comprendre la nécessité d’agir contre cette violence.

3 – Danielle. Et vous avez montré aussi la dernière fois que les effets de cette violence sont réellement graves.

Oui, ils agissent sur le corps de l’enfant et sur son esprit.

Un des effets les plus grave des punitions corporelles, c’est qu’elles rendent les enfants violents en leur apprenant à trouver normal de régler les conflits par la violence. Que ce soit par exemple dans la vie familiale et conjugale ou dans la vie politique et sociale. Les régions du monde où l’on frappe le plus les enfants sont aussi celles où la pratique de la violence conjugale est la plus répandue.

S’ils ne deviennent pas violents par eux-mêmes, les enfants sont dressés à se soumettre non pas à la loi, ni à leur conscience, mais à la violence et aux leaders violents, ce qui a évidemment de graves répercussions dans la vie sociale.

Les principaux dictateurs du XXe siècle ont tous été des enfants abominablement battus. Et comme l’éducation violente était la règle dans leur pays, ils n’ont pas eu de mal à trouver des gens prêts à se soumettre à leur violence et à en devenir les agents zélés.

Il y a bien d’autres effets de la violence éducative sur les enfants, mais il nous faut maintenant aborder le sujet d’aujourd’hui.

4 – Françoise. Oui, et ce sujet c’est le rapport que l’Eglise a eu avec la violence éducative. Pourquoi, à votre avis, faut-il se poser cette question ?

La première raison, c’est que malheureusement l’Église, dans ses établissements scolaires a longtemps pratiqué la violence éducative, et souvent de façon extrêmement cruelle.

5 – Françoise. Pouvez-vous en donner des exemples ?

Malheureusement, on peut en citer des quantités.

Tout d’abord, on sait que depuis le haut Moyen-Âge jusqu’à la Révolution, tous les établissements scolaires étaient religieux. Or, sur toutes les gravures, peintures et sculptures représentant les maîtres, l’attribut qu’ils ont toujours en main ou suspendu au-dessus de leur chaire, ce sont les verges, c’est-à-dire une poignée de baguettes dont ils se servaient avec une grande violence. Montaigne a témoigné, au XVIe siècle, avoir vu le sol de sa classe jonché de baguettes ensanglantées.

Mais de tels traitements ne se sont pas arrêtés avec la Révolution. De très nombreux témoignages montrent que la violence éducative a sévi dans beaucoup d’établissements religieux – et pas seulement religieux – jusqu’à nos jours.

Le fils d’un ami m’a dit avoir dû rester à genoux, les bras en croix, une Bible dans chaque main, sous la menace de coups s’il baissait les bras, dans un établissement religieux de Lyon, dans les années 1970.

Aux Maristes de Toulon, dans les années soixante, quand ils étaient près de la Place de la Liberté, un de mes beaux-frères a dû, avec ses camarades, sur l’ordre [...]

Emission sur RCF (Radio chrétienne de Toulon) du 26 mai 2004. Présence mariste. Cette émission, enregistrée à la date indiquée dans le titre a été diffusée, comme les trois autres, au cours des mois d’octobre et novembre sur RCF.

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Aperçu d’un monde sans violence éducative

Pourquoi appelle-t-on :
- cruauté le fait de frapper un animal
- agression le fait de frapper un adulte
- éducation le fait de frapper un enfant?
(Slogan anonyme)

Cet article a été publié pour la première fois dans le livre de Catherine Dumonteil-Kremer, Elever son enfant…autrement (La Plage, 2003).

Que serait un monde où la violence éducative serait sensiblement réduite, c’est-à-dire où l’on éviterait de frapper les enfants et où on les élèverait avec tendresse et respect tout en les aidant à développer eux-mêmes des liens de bienveillance avec les autres ?

On peut répondre à cette question en s’appuyant sur des faits précis.

Des témoignages d’ethnologues, Margaret Mead et Jean Liedloff notamment, décrivent des sociétés sans écriture où l’éducation des enfants était, à l’époque où elle a pu être observée, particulièrement douce. Ces sociétés sont aussi décrites comme sensiblement plus pacifiques et tolérantes que des sociétés voisines, d’un degré d’évolution semblable, et dont les systèmes d’éducation étaient plus violents.

D’autre part, les études sur l’histoire de la violence montrent que les pays modernes européens qui ont le plus évolué dans le sens d’une plus grande douceur éducative ont une vie sociale et politique bien moins violente qu’au XIXe siècle. La délinquance et la criminalité y sont sensiblement moins fortes. Et les violences que l’on constate encore dans ces pays sont très souvent le fait de catégories de la population où l’éducation est restée beaucoup plus proche de ce qu’était l’éducation ordinaire au XVIIIe siècle ou au début du XIXe siècle.

De même, c’est dans les régions de l’Europe où l’éducation est restée la plus traditionnelle, la plus patriarcale et donc la plus violente (Balkans, Corse, Irlande) que l’on constate encore les formes de violence, de criminalité et de terrorisme les plus meurtrières.

Enfin, l’interdiction des châtiments corporels dans les familles votée en Suède en 1979 commence à donner des résultats encourageants. Le docteur Jacqueline Cornet, dans la brochure de l’association Éduquer sans frapper, rapporte ce qui suit :

“Les statistiques du gouvernement suédois attestent qu’aucun enfant n’est plus mort des suites de violence familiale, le nombre de procès pour maltraitance d’enfants a diminué, de même que le nombre d’enfants enlevés à leurs parents suite à une intervention des services sociaux : entre 1982 et 1995, les “mesures obligatoires” administrées chaque année ont diminué de 46% et les “placements en foyer” de 26%.”

De plus “le criminologue F. Estrada, qui étudie les tendances de la délinquance juvénile en Europe depuis la guerre, déclare :

“les études sur les rapports provenant du Danemark (où existe aussi une loi contre la violence éducative) et de la Suède indiquent que les jeunes d’aujourd’hui sont plus disciplinés que (...) le pourcentage de jeunes de 15 à 17 ans condamnés pour vol a diminué de 21% entre 1975 et 1996... le pourcentage de jeunes qui consomment de l’alcool ou qui ont goûté à la drogue a également diminué régulièrement depuis 1971...le pourcentage de suicides chez les jeunes et celui des jeunes condamnés pour viol ont aussi diminué entre 1970 et 1996. Alors que le nombre de délits commis par les jeunes a augmenté dans tous les autres pays d’Europe de l’ouest et d’Europe centrale depuis la guerre”.

A partir de ces quelques faits et de ce que l’on sait des effets négatifs de la violence éducative, il est permis de supputer ce que pourraient être les conséquences plus générales et à plus long terme d’une réduction sensible de cette violence.

Il est vraisemblable que les conséquences subies les adultes qui ont été frappés enfants seraient réduites : moins de maladies physiques et mentales, notamment de dépressions; moins de tendances autodestructrices par l’alcool, la drogue ou le tabac; moins de suicides; moins d’accidents.

De même, les tendances à faire subir aux autres les répercussions de ce que l’on a souffert enfant seraient aussi très vraisemblablement réduites : délinquance et criminalité, violences familiales, viols, agressions de toutes sortes.

A partir des études d’Emmanuel Todd et d’Alice Miller, qui ont tous deux montré que la violence éducative avait des répercussions sociales et politiques, il y a de fortes raisons de supposer qu’un [...]