Olivier Maurel

Écrivain militant – Non à la violence éducative !

Vingt siècles de maltraitance chrétienne des enfants

Je viens de publier un nouveau livre, que Lytta Basset, philosophe et théologienne protestante suisse, m’a fait l’honneur de bien vouloir préfacer.

Le titre de ce livre, Vingt siècles de maltraitance chrétienne des enfants, peut paraître provocateur mais en fait il est doublement justifié. D’abord par le fait que l’Eglise, tout au long de son histoire, a préconisé de battre les enfants par fidélité aux proverbes bibliques qui le recommandaient. Le Catéchisme de l’Eglise catholique daté de 1992 et toujours en usage, cite encore un de ces proverbes (« Qui aime son fils lui prodigue des verges, qui corrige son fils en tirera profit », Si. 30, 1-2) pour encourager les parents à corriger leurs enfants. Quant au mot « battre », il n’est pas trop fort puisque, jusqu’au XIXe siècle au moins, c’était vraiment à coups de bâton, de verges, de férule qu’on « corrigeait » les enfants, autrement dit au moyen d’instruments qui, s’ils étaient employés aujourd’hui, seraient considérés objectivement comme des instruments de maltraitance. A la décharge de l’Eglise, il faut reconnaître qu’elle se conformait à l’usage partout répandu : toutes les sociétés, sauf celles des chasseurs-cueilleurs, battaient les enfants.

Mais ce qui rend la maltraitance chrétienne particulièrement regrettable, c’est que l’Eglise avait dans ses textes fondateurs des paroles qui auraient dû lui permettre de rompre avec cet usage. Les paroles de Jésus sur les enfants sont parmi les plus étonnantes des Evangiles. Jamais personne avant Jésus, aucun philosophe, aucun fondateur de religion, n’avait parlé des enfants de cette façon. Elles témoignent de sa part d’un regard entièrement nouveau, incompatible avec la vieille méthode des châtiments corporels. Mais ces châtiments subis dans le très jeune âge ont une telle emprise sur l’esprit de ceux qui les ont subis que les premiers disciples de Jésus et leurs successeurs n’ont pas pu comprendre que l’éducation qu’ils avaient subie était remise en cause par ces paroles.

La plus étonnante d’entre elles qui donne les enfants comme modèles aux adultes : « Le Royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent » a même été littéralement niée par Saint Augustin. Lui-même avait été battu comme plâtre par ses maîtres et ridiculisé par ses parents quand il s’en plaignait, mais il est resté convaincu qu’il fallait battre les enfants en raison de leur mauvaise nature. Et ce n’est pas un hasard si c’est lui qui a imposé à l’Eglise le dogme du péché originel qui désignait les nourrissons comme des pécheurs de naissance : « Si petit et déjà si grand pécheur ! » disait-il dans ses Confessions en parlant d’un nouveau-né.

Après saint Augustin, il a fallu ensuite attendre 1000 ans pour qu’Erasme, qui, dans son enfance, semble avoir été respecté par ses parents, déclenche, par son intelligence et sa lucidité, un mouvement de contestation des punitions corporelles qui se poursuit encore aujourd’hui mais qui se heurte toujours à de très fortes résistances, y compris dans l’Eglise. L’Etat du Vatican, en janvier 2014, a même dû être rappelé à l’ordre par le Comité des droits de l’enfant des Nations unies pour n’avoir pas encore interdit les punitions corporelles non seulement à l’égard des quelques dizaines d’enfants du personnel laïc du Vatican, mais des 57 millions d’élèves des établissements catholiques dans le monde.

En ne mettant pas en pratique les paroles de Jésus sur les enfants, en continuant à les traiter avec violence, l’Eglise s’est privée d’une partie essentielle de l’enseignement de Jésus, celle qui concernait la base de la formation des personnalités, le respect des prédispositions relationnelles innées des enfants qui sont le véritable fondement de l’humanité. Elle a ainsi formé des adultes dont la nature avait été altérée et durcie dès leur plus jeune âge par la violence de leur éducation. Il n’est pas étonnant dans ces conditions que le christianisme ait été si souvent complice de la violence et de l’oppression et incapable de les réduire. Si les paroles de Jésus sur les enfants avaient été mises en pratique, il est probable que la face du monde en aurait été changée.

Il est temps de relire ces paroles. Une meilleure connaissance du développement des enfants et de leurs compétences innées nous permet de comprendre que le comportement admiratif et respectueux qu’elles recommandent est profondément adapté à la véritable nature des enfants. Et il est profondément adapté au monde d’aujourd’hui. La puissance des moyens techniques dont nous disposons nous a rendus responsables de la survie de la planète et nous ne pouvons plus nous permettre d’altérer les ressources innées d’humanité que chaque enfant qui vient au monde apporte.

En même temps qu’à mes huit petits-enfants, j’ai dédié ce livre au Pape pour l’inciter à lire les paroles de Jésus d’un oeil nouveau. Bien qu’il lui soit arrivé de se laisser aller à une regrettable approbation des claques données aux enfants, je veux croire qu’il a été dépassé par sa spontanéité parfois irréfléchie. Bien d’autres signes ont montré ses capacités d’ouverture et d’humanité. On peut toujours espérer…

Pour le moment, ce livre n’est disponible que sur le site de l’éditeur : http://editions-encretoile.fr/shop/index.php?id_product=39&controller=product
Son prix : 22 €, édition papier. 8€ édition électronique en PDF.