Olivier Maurel

Écrivain militant – Non à la violence éducative !

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Présentation de mes livres sur la violence éducative

Comme je crains qu’il reste encore, de par le monde, quelques personnes et même quelques malheureux parents qui n’ont pas lu mes livres sur la violence éducative, il me semble utile d’en faire une présentation résumée. Mais comme ce blog n’a pas l’air d’accepter les articles trop longs ou peut-être parce que je me débrouille mal avec lui, je publie (ou j’essaie de publier !!!) cette présentation en quatre épisodes.

[Note de l'administrateur : pour un soucis de clarté j'ai pris le parti de regrouper les quatre articles en un]

Épisode 1 : La Fessée, Questions sur la violence éducative

Le premier livre que j’ai écrit sur ce sujet est La Fessée, Questions sur la violence éducative.

Visuel du livre "La fessée : questions sur la violence éducative"

Les éditions La Plage avaient demandé à Alice Miller d’écrire un livre sur ce thème. Elle n’en avait pas le temps et, comme nous correspondions depuis quelques années, elle a jugé que j’étais capable de l’écrire. Je me suis donc lancé dans cette entreprise et le livre a paru en avril 2001. Il a tout de suite été bien accueilli par la presse et par les lecteurs. L’éditeur m’a demandé une réédition augmentée en 2004 et depuis il n’a pas cessé de se diffuser. Il doit en être à plus de 20 000 exemplaires vendus. Il a été traduit en anglais sur le site américain Nospank, et une édition en italien, sous le titre La Sculacciata doit paraître en mars 2013 aux éditions Leone verde. Si j’en crois tout le courrier que j’ai reçu, ce livre a été utile à beaucoup de parents et il a valu à pas mal d’enfants de ne jamais être frappés.

Le plus bel hommage qu’il ait reçu, celui de Swan Nguyen, auteur du livre Du prince Charmant à l’homme violent, Prévenir la violence conjugale (Ed; L’Esprit du temps, 2015) : C’est un petit livre, mais arrivé à la dernière page, on se sent grandi. »

Épisode 2 : Œdipe et Laïos

Le second de mes livres sur la violence éducative est une conséquence du premier. Un psychanalyste, Michel Pouquet, qui avait lu une interview de moi dans le quotidien Var-Matin, suite à la publication de La Fessée, a écrit au journal en critiquant mon point de vue. J’ai répondu à mon tour par le biais du journal, puis nous avons correspondu pendant un an. Nous nous sommes alors dit que notre dialogue pouvait intéresser d’autres personnes et nous l’avons publié aux éditions de L’Harmattan en 2003, sous le titre Œdipe et Laïos, Dialogue sur l’origine de la violence.

Visuel du livre "Oedipe et Laïos"

Michel Pouquet y défend la thèse de la psychanalyse lacanienne selon laquelle ce sont les pulsions déjà présentes chez l’enfant qui sont à l’origine de la violence humaine. J’y défends au contraire l’idée que toute violence commise a pour origine une violence ou un traumatisme quelconque subis dans l’enfance. Le dialogue est courtois, mais… assez animé !

Épisode 3 : Oui, la nature humaine est bonne !

En continuant à travailler sur la violence éducative qui est un sujet inépuisable, j’ai pris de plus en plus conscience que la violence éducative avait des conséquences non seulement sur les individus qui la subissaient, mais aussi sur les idées, les croyances, les religions, bref, la culture humaine entière.

J’ai été de plus en plus convaincu aussi que la violence éducative nous a persuadés depuis notre petite enfance que nous sommes mauvais, que notre nature est mauvaise. Si nos parents sont obligés de nous battre pour nous « corriger », c’est que nous sommes, comme le disait Kant, des « bois tordus » qu’il faut à tout prix « redresser ». J’ai donc exploré toutes ces conséquences et ça a donné un gros livre qui a paru en janvier 2009.

Visuel du livre "Oui, la nature humaine est bonne !"

Ce livre m’a valu une bonne critique de Nancy Huston dans le Monde des livres et beaucoup de sympathiques lettres de lecteurs, notamment de psychothérapeutes. Il a d’ailleurs été à l’origine de deux colloques organisés par la Fédération française de psychothérapie et psychanalyse (FF2P).

Épisode 4 : La violence éducative : un trou noir dans les sciences humaines

Mais au cours de toutes les recherches que j’ai faites depuis l’édition de La Fessée, j’ai lu énormément de livres sur la violence humaine en général et je me suis aperçu que les auteurs de ces livres ne tenaient pratiquement jamais compte de la violence éducative subie dans leur enfance par la majorité des hommes et de l’influence qu’elle pouvait avoir sur leur comportement d’adultes en matière de violence et de soumission à la violence.

J’ai écrit aux auteurs de ces livres pour leur demander pourquoi ils n’avaient pas parlé de la violence éducative. Beaucoup ne m’ont pas répondu, mais certains m’ont dit qu’ils n’y avaient pas pensé, ce qui est assez étonnant quand on travaille pendant deux ou trois ans sur une livre censé aborder toutes les formes de violence.

Visuel de "La violence éducative : un trou noir dans les sciences humaines"

J’ai donc entrepris d’écrire un livre portant sur tous les ouvrages de sciences humaines (psychologie, psychanalyse, histoire, sociologie…) traitant de la violence humaine, publiés autour de l’année 2008. J’ai pu ainsi montrer que les effets de la violence éducative sont tels qu’ils agissent jusque sur l’esprit des intellectuels du plus haut niveau, et notamment sur l’esprit des plus médiatiques, ceux qui ont le plus d’influence sur l’opinion publique. Non seulement ils leur font oublier de parler de la violence éducative, mais, plus grave encore, ils leur font attribuer à la nature des enfants les comportements violents qui découlent en fait de la façon dont les enfants sont traités depuis leur plus jeune âge.

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Réponse à Boris Cyrulnik

Un des commentaires critiques les plus étonnants concernant la campagne de la Fondation pour l’enfance est celui de Boris Cyrulnik.

Dans une interview donnée à l’AFP le 27 avril 2011, donc le jour même de la présentation de la campagne à la presse, Boris Cyrulnik juge de façon catégorique cette campagne qu’il considère de très haut comme « naïvement bien intentionnée » et « maladroite ».

D’après lui, elle va « culpabiliser les parents ». Ce n’est vraiment pas l’impression qu’on a quand on lit sur internet les commentaires sur la campagne dans les multiples forums où on en discute. On y voit au contraire partout s’afficher la bonne conscience des partisans de la gifle et de la fessée qui trouvent qu’on n’en donne pas assez. Et d’autre part, il me semble normal de se sentir coupable si on s’est laissé aller à frapper une personne humaine et, à plus forte raison, un enfant. C’est tout simplement le signe qu’on a une conscience.

D’ailleurs, au moment où je rédige cette réponse, une mère m’écrit :

« Personnellement c’est justement grâce à cette culpabilité dont tout le monde semble avoir si peur que j’ai commencé à comprendre que quelque chose n’était pas « normal » dans mon comportement et c’est ce qui m’a aussi donné l’envie d’aller chercher des réponses à mes questions ».

Mais c’est la suite des propos de Cyrulnik qui est la plus étonnante : « Il faut rechercher les causes de la fessée. C’est toujours soit un désarroi parental, soit un trouble du développement de l’enfant. » Il faut vraiment ne s’être jamais informé sérieusement sur la violence éducative pour tenir de tels propos.

Les deux raisons principales pour lesquelles depuis des millénaires on frappe les enfants n’ont rien à voir avec ce qu’affirme Boris Cyrulnik.

On frappe les enfants d’abord parce qu’on croit qu’il faut les frapper, comme en témoignent une multitude de proverbes dans tous les pays, dont le plus connu est « Qui aime bien châtie bien ». Et pour voir que cette cause est toujours active, il suffit de lire les commentaires des internautes sur la campagne, d’après lesquels toutes les incivilités attribuées à la jeunesse actuelle viendraient de ce qu’on ne frappe plus assez les enfants.

La seconde raison pour laquelle on frappe les enfants est précisément celle que dénonce la campagne : la répétition de génération en génération. Quand on a été frappé, la première chose que notre corps apprend, c’est à frapper, par simple mimétisme. On peut ensuite se raisonner et s’interdire de frapper, mais le geste a été enregistré très tôt par nos neurones miroirs et reste dans notre corps tout prêt à être reproduit. C’est ce que nous ressentons quand nous disons que « la main nous démange ».

Ce qu’il y a de nouveau actuellement, c’est que depuis quelques dizaines d’années, dans les pays européens, le niveau de violence des coups donnés aux enfants a baissé. Alors que la violence éducative ordinaire incluait jusqu’au XIXe siècle, en plus des gifles et des fessées, les coups de bâton et de ceinture et d’autres punitions très violentes, on s’est mis heureusement, grâce à l’influence de quelques pionniers de l’éducation, à considérer comme maltraitance l’emploi du bâton et de la ceinture, tout en continuant à trouver le martinet « normal » jusqu’à il y a une trentaine d’années. Aujourd’hui, en général, ne sont plus considérés comme « éducatives » que les gifles et les fessées.

Un bon nombre de parents ont commencé à prendre conscience aussi qu’il n’était pas plus normal de gifler et fesser un enfant que d’infliger le même traitement à un adulte. Mais comme, à cause du mimétisme de ce qu’on a subi, il est difficile de ne pas le reproduire, un bon nombre de parents sont effectivement en désarroi parce que le réflexe de fesser ou gifler leur revient contre leur volonté. Autrement dit, contrairement à ce que dit Cyrulnik, ce n’est pas le désarroi qui produit la fessée, c’est bien plutôt la fessée qui produit le désarroi chez les parents conscients de sa nocivité.

Quant à l’explication de la fessée par les « troubles de développement
de l’enfant », quand on sait que 85% des enfants français subissent
gifles et fessées, on se demande bien à quelle fraction de ce
pourcentage Boris Cyrulnik attribue des « troubles du développement »
qui provoqueraient les fessées parentales.

Cyrulnik poursuit : « Donc je pense qu’il faut entourer les parents au
lieu de diminuer leur autorité en signifiant aux enfants Vos parents
n’ont pas le droit de vous toucher« .

Ce n’est certainement pas nous qui contesterons la nécessité d’ »entourer », de soutenir les parents. Mais ce n’est pas en continuant à considérer comme éducatives les gifles et fessées qu’on les aide à maintenir leur « autorité ». Si ce mot a un sens, il désigne l’influence positive que les parents peuvent avoir sur les enfants pour les aider à devenir eux-mêmes et à déployer tout leur potentiel d’humanité. Or, les fessées et les gifles qui enseignent la violence du fort au faible ne contribuent en rien à cette forme d’autorité.

« Il faut bien sûr éviter les violences éducatives, mais ce n’est pas
en faisant une loi qu’on pourra y travailler.

Si une loi est nécessaire pour interdire la violence éducative, c’est précisément parce que nous l’avons presque tous subie et que les schémas qu’elle a mis en place dans nos neurones nous amènent à la reproduire, exactement comme au XIXe siècle et dans beaucoup de pays du monde aujourd’hui encore, on reproduit ou reproduisait sur ses enfants les coups de bâton subis dans l’enfance. Pour mettre un coup d’arrêt à cette chaîne de violence, il faut une loi émanant d’une autorité supérieure à celle des parents, et qui dise clairement qu’on ne doit faire violence à aucune personne humaine, à plus forte raison une personne humaine en formation.

« L’interdit chez l’enfant est une fonction structurale majeure. Plus l’interdit est énoncé, moins on a besoin de violence physique », ajoute Boris Cyrulnik.

Il est évident qu’on ne peut et qu’on ne doit pas tout permettre aux enfants. Mais accorder à l’interdit « une fonction structurale majeure, c’est faire passer au second plan la tendresse, la protection, la bienveillance, la confiance et bien d’autres formes de relations infiniment plus « structurantes » que l’interdit.

Quand Cyrulnik ajoute qu’ « autrefois, un simple froncement de sourcil permettait de se faire obéir de l’enfant » et qu’ « actuellement il n’y a plus d’autorité paternelle et (que) le recours à la violence devient un substitut très maladroit » , il oublie de dire que derrière le « froncement de sourcil », dans la plupart des cas, il y avait la menace des coups qui, tous les proverbes anciens le disent, étaient inséparables de l’autorité paternelle. Nos gifles et nos fessées ne sont pas « un substitut » d’une autorité défaillante, mais le résidu d’une méthode d’éducation au moins cinq fois millénaire qui a fait de l’humanité une des espèces animales les plus violentes de la planète en dressant les enfants à la violence dès le plus jeune âge.

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Oui, la nature humaine est bonne !

Comment la violence éducative la pervertit depuis des millénaires

Vient de paraître, le 22 janvier 2009, aux éditions Robert Laffont, mon dernier livre : Oui, la nature humaine est bonne ! Comment la violence éducative ordinaire la pervertit depuis des millénaires.
Bien que j’en sois l’auteur et que je sois donc tenu à un peu de modestie, j’ai la faiblesse de penser que ce livre est important. Et j’ai la chance que les responsables de la maison d’édition qui l’a accepté et publié (Robert Laffont) le pensent aussi. Ils – et surtout elles – ont beaucoup fait pour que ce livre atteigne son public. Elles en ont envoyé plus de 300 exemplaires aux journalistes de la presse écrite, de la radio, de la télévision et d’internet, ce qui laisse espérer que ce livre ne passera pas inaperçu.
Son but est d’étudier un fait étrange. Comment se fait-il qu’aucun philosophe, théologien, sociologue, psychologue, historien ou psychanalyste n’ait jamais sérieusement tenu compte, dans tout ce qu’ils ont dit sur la nature humaine, du fait, pourtant indiscutable, que 80 à 90% des enfants ont été dressés par la violence (bastonnade, flagellation, etc.) depuis des millénaires ? Est-il pensable que ce dressage n’ait pas eu d’effets sur le corps, la santé, les comportements, la violence, mais aussi l’esprit, les idées, les cultures, les croyances, les religions de tous ceux qui l’ont subi ? En particulier, comment notre conception de la nature humaine, et donc de la nature des enfants, aurait-elle pu ne pas en être influencée ?

Depuis les premières civilisations dotées d’une écriture jusqu’à nos jours, on a attribué aux enfants (et donc à la nature humaine) la « folie » (proverbes bibliques), le « péché originel » (le christianisme), une « violence bestiale » (quantité de penseurs), des « pulsions » mortifères ou une « violence fondamentale » (la psychanalyse). Et cela sans tenir aucun compte de ce qu’on leur faisait subir dès leur petite enfance, ou en le justifiant.

Une fois qu’on a pris conscience du dressage violent subi par la majorité de l’humanité pendant toutes les années où le cerveau des enfants se forme, beaucoup de choses qui paraissaient incompréhensibles s’éclaircissent. Et la violence humaine notamment est beaucoup moins énigmatique. De même, une fois qu’on a compris que la Terre tournait autour du Soleil, on n’a plus eu besoin d’imaginer toutes sortes de théories bizarres pour expliquer le mouvement des planètes.

Cette découverte, ce n’est pas moi qui l’ai faite, c’est Alice Miller. Le but de mon livre est de briser le mur du silence qui, en France, a jusqu’à présent interdit à cette découverte d’être reconnue pour ce qu’elle est : une véritable révolution.

Ce livre n’est pas difficile à lire. Il expose le plus clairement possible la façon dont la violence éducative appliquée à presque tous les enfants a amené de tous temps les hommes à les considérer comme des êtres naturellement déraisonnables qu’il était indispensable de corriger violemment pour les civiliser. Avec, bien évidemment le résultat inverse : une humanité portée à la violence par la violence qu’elle a subie, portée à la soumission aux pires dictateurs ou gourous par l’habitude prise d’obéir, portée à la cruauté par la perte du sens de l’empathie. Tout cela est aujourd’hui largement confirmé par la connaissance du développement du cerveau et par la prise de conscience des remarquables capacités relationnelles innées des enfants : attachement, empathie, imitation.

En vous procurant ce livre, en envoyant ce message à vos amis et connaissances, vous aiderez à son lancement et vous participerez aux changements qu’il peut produire, je l’espère, dans les mentalités. Vous pouvez aussi, après l’avoir lu, dire ce que vous en pensez sur les sites des librairies en ligne ou sur votre blog si vous en avez un. Et si vous me faites part de vos réactions, j’en serai très heureux.

Ci-dessous les quatre premières critiques (j’espère qu’il y en aura d’autres !) et le sommaire du livre.

Psychologies Magazine, Février 2009.

Une bonne fessée, une gifle méritée... Dans ce livre très argumenté contre les châtiments corporels, un père de cinq enfants rappelle qu'en France, aujourd'hui encore, 84% des enfants sont frappés. Ces violences tolérées sont parfois source de dégâts : difficultés scolaires, comportements à risques, agressivité... A lire d'urgence avant de lever la main.

Marie-France Vigor

Catherine Dumonteil Kremer

Fondatrice de La Maison de l’Enfant et auteur de plusieurs livres sur l’éducation. Sur la liste de discussion Parents-conscients (sur Yahoo).

J'ai lu ce week end le dernier livre d'Olivier, "Oui la nature humaine est
bonne" chez Robert Laffont, je l'ai trouvé excellent. Je me suis régalée en
le lisant. Voilà réunis en un seul ouvrage presque tous les arguments contre la violence éducative, l'aveuglement sur cette violence au cours des siècles passés, mais aussi chez les psychanalystes, médecins, auteurs, religieux, etc. Je trouve qu'Olivier a eu beaucoup de courage de dénoncer sans aucune ambiguité les mauvais traitements à enfants. J'espère que son livre convaincra les sceptiques !

Alice Miller (sur son site)

C'est avec grand plaisir et soulagement que je vous annonce la parution du livre important d'Olivier Maurel.
Puisqu'après des millénaires d'obscurité presque totale, voilà un livre qui ose enfin jeter la lumière vers la vérité en montrant sans ambiguïté, sans crainte ni hésitation, que la nature humaine est bonne. Or, on la détruit systématiquement et constamment par l'éducation violente que presque chaque enfant doit subir dans les premières années de sa vie au moment le plus sensible, quand son cerveau se construit.
Depuis plusieurs années mais d'une autre façon je continue d'expliquer dans mes différents livres cette dynamique. Maurel poursuit ces recherches en montrant comment pendant des millénaires les pédagogues, les écrivains, les philosophes, les hommes d'Eglise se perdent dans le brouillard pour ne pas reconnaître la vérité si simple et claire mais, il est vrai, très douloureuse à tous le monde. Même les psychanalystes modernes, maintiennent encore que l'homme est né méchant, pervers, égoïste et que les adultes doivent le faire gentil, altruiste et empathique.
Dans toutes les cultures on est confronté au même déni, malgré le fait que la réalité montre le contraire, l'homme est né bon, capable d'apprendre l'amour et la compassion, mais cette richesse est engloutie juste à l'aube de son existence par les traitements qu'il subit.
Par exemple Saint Augustin qui était sévèrement  battu à l'école et jamais soutenu par ses parents qui au contraire le ridiculisaient gravement, trouve dans ses Confessions "la solution" de sa situation tragique en écrivant qu'il est nécessaire de battre les enfants.  Malheureusement, l'Eglise a adopté sa version et pendant seize centenaires elle a maintenu sans aucune hésitation la même version trompeuse malgré le fait que dans la bible Jésus a toujours dit qu'il fallait respecter les enfants et ne pas les battre.
C'est un livre que je vous souhaite de lire et relire aussitôt que possible, il est nécessaire, illuminant et accessible à tous le monde. La tragédie de l'être humain est si brillamment décrite et expliquée ici qu'il est totalement incompréhensible que les psychanalystes n'en ont pas encore pris connaissance et continuent d'écrire sur l'instinct destructeur de l'enfant.

Jacques Trémintin

Recension à paraître dans le numéro 917, du 19 février, de Lien Social

*Pour mettre fin à la violence éducative ordinaire*
On peut distinguer trois époques dans la prise de conscience de la maltraitance subie par les enfants.
La première, qui a duré des millénaires, est à peine troublée par quelques voix largement inaudibles face à la domination du déni. La violence dans l'éducation y est considérée comme banale et légitime : la douleur provoquée par les coups agirait sur la raison, la volonté et la mémoire de l'enfant, l'incitant donc à éviter de reproduire le comportement qui a causé le châtiment. Cette conviction perdure, d'autant plus qu'elle est confortée par les religions, les philosophies et les traditions éducatives.
La seconde époque trouve ses prémisses dans l'abolition, dans le code Justinien du VI^ème siècle, du droit de vie et de mort du père sur ses enfants ou dans le vote, en 1889, de la loi permettant la déchéance de la puissance paternelle. Mais, c'est vraiment dans la deuxième moitié du XX^ème siècle qu'elle s'amorce vraiment, avec la pénalisation des mauvais traitements sur mineurs. Ce mouvement reste toutefois incomplet, puisqu'il prétend ne viser que les actes qui "troublent gravement l'enfant", excluant par là même ceux qui le troublent, mais moins gravement !
Olivier Maurel est à l'initiative, avec d'autres auteurs comme Alice Miller, d'une réflexion qui inaugure la troisième époque : celle qui s'intéresse aux effets délétères de la violence éducative ordinaire que constitue "l'ensemble des moyens violents qui ont été et sont utilisés, tolérés et souvent recommandés pour faire obéir et pour éduquer les enfants". Olivier Maurel nous propose ici une somme de réflexions médicales, philosophiques, historiques, intellectuelles, éthiques qui viennent bousculer bien des idées reçues et apporter des éléments de compréhension sur le fonctionnement humain.
La thèse centrale de l'auteur consiste à réfuter le postulat d'un petit d'homme qui serait naturellement poussé à l'agressivité par ses pulsions ou sa nature animale. Le comportement humain consistant à humilier, torturer ou provoquer la douleur de son prochain ne se retrouve nulle part chez les autres espèces. Ces manifestations sont liées à un conditionnement et à une éducation qui le confrontent très tôt à la violence. L'attachement qui relie l'enfant à ses parents, pour peu qu'il soit fait de douceur, de tendresse et de sollicitude peut l'amener à reproduire la relation de bienveillance qu'il a reçue. Mais quand le sens de l'empathie a été détérioré très tôt et tout au long de l'enfance, les principes moraux peuvent tout autant devenir de véritables prothèses sur une fonction absente. Il ne faut donc pas se contenter de combattre la violence seulement quand elle est excessive, mais aussi quand elle est ordinaire, explique l'auteur, démontrant avec brio ses effets délétères tant au niveau individuel que collectif.

Sommaire

Avant-propos
Première partie - La violence éducative et ses effets sur les individus et les relations interpersonnelles
Chapitre I - Définition et nature de la violence éducative ordinaire
Chapitre II - Effets de la violence éducative sur ses victimes
Chapitre III - Violence éducative et relations interpersonnelles
Chapitre IV - L'apport de la neurobiologie à la compréhension des effets de la violence éducative
Chapitre V - Violence éducative et comportements innés
Deuxième partie - Violence éducative ordinaire et culture
Chapitre I - La violence éducative de ses origines à ses répercussions religieuses
Chapitre II - Un avatar du péché originel : la férocité animale de l'enfant et de l'homme
Chapitre III - Un nouvel avatar du péché originel et de la bestialité : la théorie des pulsions
Chapitre IV - Résistance des autorités médicales à la révélation de la maltraitance et des abus sexuels
Chapitre V - Une source d'illusion : la résilience
Chapitre VI - Violence éducative et littérature, ou la cécité et le silence des écrivains
Chapitre VII - Méconnaissance de la violence éducative dans les grandes études sur la violence
Chapitre VIII - La violence éducative ordinaire : une pratique culturelle dénaturante
Chapitre IX - Résistance de la violence éducative à sa remise en question
Troisième partie - Sortir de la violence éducative
Chapitre I - Réhabiliter notre vision de l'enfant, et donc de l'homme
Chapitre II - Prémisses d'un changement
Conclusion - Et si la nature humaine était bonne…
Annexes
1. Violences dans les institutions.
2. Précisions sur les effets du stress sur la santé.
3. Effets du stress sur la mémoire.
4. Violence éducative chez les !Kung.

Nombre de pages : 356

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Violence éducative et communication

Gifler ou fesser un enfant, c’est, d’une certaine manière, communiquer avec lui. Mais que communique-t-on à un enfant en le frappant ?

Les connaissances actuelles sur le développement du cerveau ne nous laissent plus de doute aujourd’hui : la violence éducative, si faible soit-elle, est destructrice. Les institutions internationales ont compris que sa réduction serait un facteur de paix. Reste à en convaincre l’opinion publique et les États.

L’enfant se forme par la communication

Même né à terme, le nouveau-né humain est prématuré, c’est-à-dire longtemps incapable de survivre sans assistance. Son corps sait que, pour survivre, il doit obtenir les soins, la bienveillance, la protection des adultes.

Dès sa naissance, loin d’être passif, il participe activement, de multiples façons, à la création de liens avec ses parents. Téter, comportement de survie, est aussi un moyen d’établir un lien très fort avec sa mère. Ses pleurs sont des appels. Sa capacité à distinguer de son environnement la forme des visages, et notamment celui de sa mère, lui permet d’attirer du regard ceux qui l’entourent et donc d’accentuer l’intérêt qu’on lui porte.

C’est au cours de cette communication intense et vitale avec son entourage que son cerveau se forme. Ses neurones, déjà en place à la naissance, développent leurs axones, ces filaments qui les relient, et leurs milliards de connexions provoquent l’accroissement du volume de son cerveau qui passe du quart de son poids définitif à la naissance, à 50% à six mois et 95% à dix ans.

La communication “sculpte” le cerveau

La neurobiologie nous apprend que la communication interne entre les neurones dépend en partie des formes de communication que l’enfant établit avec ceux qui l’entourent. Le cerveau de l’enfant est “sculpté” par les expériences auxquelles il est confronté.

« Tout le développement de l’être humain, dit le neurobiologiste américain Bessel van der Kolk, spécialiste du stress post traumatique, c’est le développement des lobes frontaux.

En tant que parents, nous sommes les médiateurs du développement du lobe frontal de nos enfants. Lorsque nous lisons des histoires à nos enfants, lorsque nous les serrons dans nos bras, lorsque nous jouons avec eux, nous assurons le bon développement du lobe frontal.

Si un enfant est toujours effrayé, terrifié, s’il n’est pas câliné, s’il est abandonné, négligé, ses lobes frontaux ne se développent pas correctement et ils ne parviendront pas à assumer leur fonction qui est d’inhiber le système limbique. Dans ce cas, le lobe frontal n’est pas assez développé pour aider la personne à être en contact avec le présent. Elle sera incapable d’enregistrer des informations nouvelles et d’apprendre par l’expérience »

Mais il en faut peu pour perturber le développement du cerveau

Des lésions infimes suffisent pour perturber le développement du cerveau d’un enfant.

Le neurobiologiste Antonio Damasio, par exemple, écrit qu’“un dysfonctionnement du système cérébral (…) peut être dû à un défaut de fonctionnement microscopique des circuits neuraux”. “Même des perturbations mineures des systèmes neuraux spécifiques suscitent une modification majeure des phénomènes mentaux.”

Joseph Le Doux, autre neurobiologiste réputé, écrit de son côté : “Quelques connexions supplémentaires d’un côté, un petit peu plus ou moins de neurotransmetteurs de l’autre, et les animaux commencent à se comporter différemment. ”

Et les centres du cerveau des émotions et de la mémoire émotionnelle, qui sont essentiels pour le comportement relationnel, sont particulièrement vulnérables.

Van der Kolk, déjà cité, a déclaré récemment au Nouvel Observateur : « On se méprend beaucoup sur la notion de traumatisme, qu’on assimile à tort à un évènement horrifique et exceptionnel. (…) Il y a aussi la foule des malheurs ordinaires inhérents à la condition humaine. S’ils ont été vécus dans un sentiment d’impuissance et de désespoir, ils peuvent eux aussi laisser une cicatrice douloureuse longtemps »

Article paru dans le magazine Biocontact, septembre 2005

Violence éducative et communication
Gifle ou fesser un enfant, c’est, d’une certaine manière, communiquer avec lui. Mais que communique-t-on à un enfant en le frappant? Les connaissances actuelles sur le développement du cerveau ne nous laissent plus de doute aujourd’hui : la violence éducative, si faible soit-elle, est destructrice. Les institutions internationales ont compris que sa réduction serait un facteur de paix. Reste à en convaincre l’opinion publique et les Etats.
L’enfant se forme par la communication
Même né à terme, le nouveau-né humain est prématuré, c’est-à-dire longtemps incapable de survivre sans assistance. Son corps sait que, pour survivre, il doit obtenir les soins, la bienveillance, la protection des adultes.
Dès sa naissance, loin d’être passif, il participe activement, de multiples façons, à la création de liens avec ses parents. Téter, comportement de survie, est aussi un moyen d’établir un lien très fort avec sa mère. Ses pleurs sont des appels. Sa capacité à distinguer de son environnement la forme des visages, et notamment celui de sa mère, lui permet d’attirer du regard ceux qui l’entourent et donc d’accentuer l’intérêt qu’on lui porte.
C’est au cours de cette communication intense et vitale avec son entourage que son cerveau se forme. Ses neurones, déjà en place à la naissance, développent leurs axones, ces filaments qui les relient, et leurs milliards de connexions provoquent l’accroissement du volume de son cerveau qui passe du quart de son poids définitif à la naissance, à 50% à six mois et 95% à dix ans.
La communication “sculpte” le cerveau
La neurobiologie nous apprend que la communication interne entre les neurones dépend en partie des formes de communication que l’enfant établit avec ceux qui l’entourent. Le cerveau de l’enfant est “sculpté” par les expériences auxquelles il est confronté. « Tout le développement de l’être humain, dit le neurobiologiste américain Bessel van der Kolk, spécialiste du stress post traumatique, c’est le développement des lobes frontaux. En tant que parents, nous sommes les médiateurs du développement du lobe frontal de nos enfants. Lorsque nous lisons des histoires à nos enfants, lorsque nous les serrons dans nos bras, lorsque nous jouons avec eux, nous assurons le bon développement du lobe frontal. Si un enfant est toujours effrayé, terrifié, s’il n’est pas câliné, s’il est abandonné, négligé, ses lobes frontaux ne se développent pas correctement et ils ne parviendront pas à assumer leur fonction qui est d’inhiber le système limbique. Dans ce cas, le lobe frontal n’est pas assez développé pour aider la personne à être en contact avec le présent. Elle sera incapable d’enregistrer des informations nouvelles et d’apprendre par expérience1 « .
Mais il en faut peu pour perturber le développement du cerveau
Des lésions infimes suffisent pour perturber le développement du cerveau d’un enfant.
Le neurobiologiste Antonio Damasio, par exemple, écrit qu’“un dysfonctionnement du système cérébral (…) peut être dû à un défaut de fonctionnement microscopique des circuits neuraux”. “Même des perturbations mineures des systèmes neuraux spécifiques suscitent une modification majeure des phénomènes mentaux.” 2
Joseph Le Doux, autre neurobiologiste réputé, écrit de son côté : “Quelques connexions supplémentaires d’un côté, un petit peu plus ou moins de neurotransmetteurs de l’autre, et les animaux commencent à se comporter différemment.3 ” Et les centres du cerveau des émotions et de la mémoire émotionnelle, qui sont essentiels pour le comportement relationnel, sont particulièrement vulnérables.
Van der Kolk, déjà cité, a déclaré récemment au Nouvel Observateur4 : « On se méprend beaucoup sur la notion de traumatisme, qu’on assimile à tort à un évènement horrifique et exceptionnel. (…) Il y a aussi la foule des malheurs ordinaires inhérents à la condition humaine. S’ils ont été vécus dans un sentiment d’impuissance et de désespoir, ils peuvent eux aussi laisser une cicatrice douloureuse longtemp
Article paru dans le magazine Biocontact, septembre 2005

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Violence éducative et communication

Gifle ou fesser un enfant, c’est, d’une certaine manière, communiquer avec lui. Mais que communique-t-on à un enfant en le frappant? Les connaissances actuelles sur le développement du cerveau ne nous laissent plus de doute aujourd’hui : la violence éducative, si faible soit-elle, est destructrice. Les institutions internationales ont compris que sa réduction serait un facteur de paix. Reste à en convaincre l’opinion publique et les Etats.
L’enfant se forme par la communication
Même né à terme, le nouveau-né humain est prématuré, c’est-à-dire longtemps incapable de survivre sans assistance. Son corps sait que, pour survivre, il doit obtenir les soins, la bienveillance, la protection des adultes.
Dès sa naissance, loin d’être passif, il participe activement, de multiples façons, à la création de liens avec ses parents. Téter, comportement de survie, est aussi un moyen d’établir un lien très fort avec sa mère. Ses pleurs sont des appels. Sa capacité à distinguer de son environnement la forme des visages, et notamment celui de sa mère, lui permet d’attirer du regard ceux qui l’entourent et donc d’accentuer l’intérêt qu’on lui porte.
C’est au cours de cette communication intense et vitale avec son entourage que son cerveau se forme. Ses neurones, déjà en place à la naissance, développent leurs axones, ces filaments qui les relient, et leurs milliards de connexions provoquent l’accroissement du volume de son cerveau qui passe du quart de son poids définitif à la naissance, à 50% à six mois et 95% à dix ans.
La communication “sculpte” le cerveau
La neurobiologie nous apprend que la communication interne entre les neurones dépend en partie des formes de communication que l’enfant établit avec ceux qui l’entourent. Le cerveau de l’enfant est “sculpté” par les expériences auxquelles il est confronté. « Tout le développement de l’être humain, dit le neurobiologiste américain Bessel van der Kolk, spécialiste du stress post traumatique, c’est le développement des lobes frontaux. En tant que parents, nous sommes les médiateurs du développement du lobe frontal de nos enfants. Lorsque nous lisons des histoires à nos enfants, lorsque nous les serrons dans nos bras, lorsque nous jouons avec eux, nous assurons le bon développement du lobe frontal. Si un enfant est toujours effrayé, terrifié, s’il n’est pas câliné, s’il est abandonné, négligé, ses lobes frontaux ne se développent pas correctement et ils ne parviendront pas à assumer leur fonction qui est d’inhiber le système limbique. Dans ce cas, le lobe frontal n’est pas assez développé pour aider la personne à être en contact avec le présent. Elle sera incapable d’enregistrer des informations nouvelles et d’apprendre par expérience1 « .
Mais il en faut peu pour perturber le développement du cerveau
Des lésions infimes suffisent pour perturber le développement du cerveau d’un enfant.
Le neurobiologiste Antonio Damasio, par exemple, écrit qu’“un dysfonctionnement du système cérébral (…) peut être dû à un défaut de fonctionnement microscopique des circuits neuraux”. “Même des perturbations mineures des systèmes neuraux spécifiques suscitent une modification majeure des phénomènes mentaux.” 2
Joseph Le Doux, autre neurobiologiste réputé, écrit de son côté : “Quelques connexions supplémentaires d’un côté, un petit peu plus ou moins de neurotransmetteurs de l’autre, et les animaux commencent à se comporter différemment.3 ” Et les centres du cerveau des émotions et de la mémoire émotionnelle, qui sont essentiels pour le comportement relationnel, sont particulièrement vulnérables.
Van der Kolk, déjà cité, a déclaré récemment au Nouvel Observateur4 : « On se méprend beaucoup sur la notion de traumatisme, qu’on assimile à tort à un évènement horrifique et exceptionnel. (…) Il y a aussi la foule des malheurs ordinaires inhérents à la condition humaine. S’ils ont été vécus dans un sentiment d’impuissance et de désespoir, ils peuvent eux aussi laisser une cicatrice douloureuse longtemp

Article paru dans le magazine Biocontact, septembre 2005

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By admin

Résilience, maltraitance et violence éducative ordinaire

Beaucoup d’études actuellement, tendent à montrer que, contrairement à ce que l’on croyait, la violence ne se transmet pas automatiquement d’une génération à l’autre. Les enfants martyrs ne deviendraient pas des parents bourreaux. La grande majorité des enfants battus s’en sortiraient finalement bien. Seule une faible proportion des enfants à risques deviendraient délinquants ou maltraitants.

Si c’est vrai, c’est évidemment une bonne nouvelle.

Mais quand on examine d’un peu plus près ces enquêtes, on est obligé de déchanter.

En effet, ce dont on parle dans ces cas-là, c’est de la maltraitance. Or, qu’est-ce que la maltraitance ? C’est le niveau de châtiments corporels qui n’est plus toléré dans une société donnée. En France, par exemple, la bastonnade est une forme de maltraitance. Mais au Cameroun, c’est un moyen éducatif parfaitement admis et pratiqué par 90% des parents. Il est probable qu’au Cameroun, la maltraitance ne commence que lorsque l’enfant a les membres brisés.

Et donc, que veut-on dire quand on déclare qu’il n’y a pas de transmission générationnelle de la maltraitance ? On déclare seulement que ceux qui ont subi des pratiques qui ne sont plus tolérées dans telle ou telle société ne seront qu’un petit nombre à les pratiquer à leur tour. Non tant parce qu’elles ne sont plus tolérées, mais parce que, entre leur enfance et l’âge adulte, ces personnes auront eu l’occasion de rencontrer un bon nombre de gens qui auront été choqués par leur souffrance, leur auront manifesté de la compassion et fait sentir que ces pratiques étaient vraiment intolérables.

De plus, elles auront été, en tant que victimes de mauvais traitements reconnues, suivies par les services sociaux, peut-être enlevées à leur famille, et ne pourront donc ignorer le caractère inacceptable de ce qu’elles ont subi. Enfin, quand on suit à intervalles plus ou moins réguliers des enfants maltraités et qu’on les interroge sur leur comportement, il est évident qu’on leur donne une occasion supplémentaire de réfléchir sur ce qu’elles ont vécu, ce qui ne peut que les aider à ne pas le reproduire.

En revanche, quand il s’agit de violence éducative ordinaire, c’est-à-dire d’un niveau de coups parfaitement admis dans une société donnée, quand, dans un pays, 90% des parents bastonnent ou fessent les enfants, on constate que 90% des parents de la génération suivante bastonnent ou fessent aussi les enfants. Et cela dure depuis des millénaires! Dans ce cas, en effet, les enfants frappés n’ont aucune occasion de se rendre compte qu’ils ont été maltraités. Tout le monde leur dit, et ils se le disent eux-mêmes, qu’ils l’ont bien mérité parce qu’ils ont été désobéissants, insupportables, etc. et qu’il fallait bien les éduquer.

Il est donc un peu léger d’affirmer que la transmission intergénérationnelle est un mythe.

En réalité, la notion de maltraitance est une notion alibi. La maltraitance, c’est le niveau de violence éducative que l’on montre du doigt. Mais on n’établit aucun rapport avec les niveaux inférieurs de violence éducative qui, eux, paraissent tout à fait bénins et sans aucun danger. Tout se passe comme si la mise en lumière de la maltraitance grave rejetait par contraste dans l’ombre la violence éducative tolérée. Ou comme si la maltraitance dénoncée servait de paratonnerre à la maltraitance tolérée, voire préconisée.

Il est très significatif de voir que ce sont des médecins légistes qui, au XIXe siècle, ont commencé à alerter l’opinion publique sur les sévices et les abus sexuels infligés aux enfants : il s’agissait de cas mortels. Mais nul rapport n’était établi avec la violence éducative tolérée de cette époque qui, aujourd’hui, nous apparaîtrait comme maltraitance caractérisée. La littérature a ensuite commencé à dénoncer la maltraitance imposée aux enfants en général par des parents adoptifs ou des belles mères.

Un pas décisif a été franchi par Jules Vallès qui, dans un texte à caractère autobiographique à peine dissimulé, L’Enfant (1879), montrait pour la première fois une mère, sa propre mère, le battant tous les jours, et son père parfois. Mais Jules Vallès est resté longtemps à peu près inconnu.

Aujourd’hui encore, la plupart des associations de défense des droits de l’enfant s’occupent de la maltraitance mais ne mènent aucune action contre la violence éducative ordinaire.