Olivier Maurel

Écrivain militant – Non à la violence éducative !

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Présentation de mes livres sur la violence éducative

Comme je crains qu’il reste encore, de par le monde, quelques personnes et même quelques malheureux parents qui n’ont pas lu mes livres sur la violence éducative, il me semble utile d’en faire une présentation résumée. Mais comme ce blog n’a pas l’air d’accepter les articles trop longs ou peut-être parce que je me débrouille mal avec lui, je publie (ou j’essaie de publier !!!) cette présentation en quatre épisodes.

[Note de l'administrateur : pour un soucis de clarté j'ai pris le parti de regrouper les quatre articles en un]

Épisode 1 : La Fessée, Questions sur la violence éducative

Le premier livre que j’ai écrit sur ce sujet est La Fessée, Questions sur la violence éducative.

Visuel du livre "La fessée : questions sur la violence éducative"

Les éditions La Plage avaient demandé à Alice Miller d’écrire un livre sur ce thème. Elle n’en avait pas le temps et, comme nous correspondions depuis quelques années, elle a jugé que j’étais capable de l’écrire. Je me suis donc lancé dans cette entreprise et le livre a paru en avril 2001. Il a tout de suite été bien accueilli par la presse et par les lecteurs. L’éditeur m’a demandé une réédition augmentée en 2004 et depuis il n’a pas cessé de se diffuser. Il doit en être à plus de 20 000 exemplaires vendus. Il a été traduit en anglais sur le site américain Nospank, et une édition en italien, sous le titre La Sculacciata doit paraître en mars 2013 aux éditions Leone verde. Si j’en crois tout le courrier que j’ai reçu, ce livre a été utile à beaucoup de parents et il a valu à pas mal d’enfants de ne jamais être frappés.

Le plus bel hommage qu’il ait reçu, celui de Swan Nguyen, auteur du livre Du prince Charmant à l’homme violent, Prévenir la violence conjugale (Ed; L’Esprit du temps, 2015) : C’est un petit livre, mais arrivé à la dernière page, on se sent grandi. »

Épisode 2 : Œdipe et Laïos

Le second de mes livres sur la violence éducative est une conséquence du premier. Un psychanalyste, Michel Pouquet, qui avait lu une interview de moi dans le quotidien Var-Matin, suite à la publication de La Fessée, a écrit au journal en critiquant mon point de vue. J’ai répondu à mon tour par le biais du journal, puis nous avons correspondu pendant un an. Nous nous sommes alors dit que notre dialogue pouvait intéresser d’autres personnes et nous l’avons publié aux éditions de L’Harmattan en 2003, sous le titre Œdipe et Laïos, Dialogue sur l’origine de la violence.

Visuel du livre "Oedipe et Laïos"

Michel Pouquet y défend la thèse de la psychanalyse lacanienne selon laquelle ce sont les pulsions déjà présentes chez l’enfant qui sont à l’origine de la violence humaine. J’y défends au contraire l’idée que toute violence commise a pour origine une violence ou un traumatisme quelconque subis dans l’enfance. Le dialogue est courtois, mais… assez animé !

Épisode 3 : Oui, la nature humaine est bonne !

En continuant à travailler sur la violence éducative qui est un sujet inépuisable, j’ai pris de plus en plus conscience que la violence éducative avait des conséquences non seulement sur les individus qui la subissaient, mais aussi sur les idées, les croyances, les religions, bref, la culture humaine entière.

J’ai été de plus en plus convaincu aussi que la violence éducative nous a persuadés depuis notre petite enfance que nous sommes mauvais, que notre nature est mauvaise. Si nos parents sont obligés de nous battre pour nous « corriger », c’est que nous sommes, comme le disait Kant, des « bois tordus » qu’il faut à tout prix « redresser ». J’ai donc exploré toutes ces conséquences et ça a donné un gros livre qui a paru en janvier 2009.

Visuel du livre "Oui, la nature humaine est bonne !"

Ce livre m’a valu une bonne critique de Nancy Huston dans le Monde des livres et beaucoup de sympathiques lettres de lecteurs, notamment de psychothérapeutes. Il a d’ailleurs été à l’origine de deux colloques organisés par la Fédération française de psychothérapie et psychanalyse (FF2P).

Épisode 4 : La violence éducative : un trou noir dans les sciences humaines

Mais au cours de toutes les recherches que j’ai faites depuis l’édition de La Fessée, j’ai lu énormément de livres sur la violence humaine en général et je me suis aperçu que les auteurs de ces livres ne tenaient pratiquement jamais compte de la violence éducative subie dans leur enfance par la majorité des hommes et de l’influence qu’elle pouvait avoir sur leur comportement d’adultes en matière de violence et de soumission à la violence.

J’ai écrit aux auteurs de ces livres pour leur demander pourquoi ils n’avaient pas parlé de la violence éducative. Beaucoup ne m’ont pas répondu, mais certains m’ont dit qu’ils n’y avaient pas pensé, ce qui est assez étonnant quand on travaille pendant deux ou trois ans sur une livre censé aborder toutes les formes de violence.

Visuel de "La violence éducative : un trou noir dans les sciences humaines"

J’ai donc entrepris d’écrire un livre portant sur tous les ouvrages de sciences humaines (psychologie, psychanalyse, histoire, sociologie…) traitant de la violence humaine, publiés autour de l’année 2008. J’ai pu ainsi montrer que les effets de la violence éducative sont tels qu’ils agissent jusque sur l’esprit des intellectuels du plus haut niveau, et notamment sur l’esprit des plus médiatiques, ceux qui ont le plus d’influence sur l’opinion publique. Non seulement ils leur font oublier de parler de la violence éducative, mais, plus grave encore, ils leur font attribuer à la nature des enfants les comportements violents qui découlent en fait de la façon dont les enfants sont traités depuis leur plus jeune âge.

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Interview : Le monde des religions

Les propos du Christ sur les enfants sont les plus révolutionnaires de l’Évangile

Interview de Sylvia Marty publiée le 29/04/2011, Le Monde des Religions

Pourquoi appelle-t-on cruauté le fait de frapper un animal, agression le fait de frapper un adulte et éducation le fait de frapper un enfant? Douze pays européens ont voté une loi interdisant toute violence éducative y compris la fessée, la gifle etc. En France le sujet agace ou au mieux prête à sourire. Rencontre avec Olivier Maurel, fondateur de l’observatoire sur la violence éducative ordinaire.

La correction comme moyen éducatif est transmis de génération en génération. Elle est ancrée dans notre culture et admise comme normale. La fondation pour l’enfance vient de lancer une campagne anti-gifle et fessée. Pourquoi parle-t-on de la maltraitance et laisse-t-on de côté la violence éducative ordinaire ?

Parce que le seuil de tolérance à la violence subie par les enfants de la part de leurs parents nous est en quelque sorte fixé par l’éducation que nous avons reçue. Ce que nous appelons maltraitance, c’est le niveau de violence que, dans notre société, on ne tolère plus, par exemple frapper un enfant à coups de bâton ou de ceinture. Mais des gifles ou des fessées, nous en avons presque tous reçu de la part de nos parents que nous aimions et nous avons donc été persuadés très tôt qu’il était normal de frapper les enfants de cette façon. Ceux qui ont subi des bastonnades dans les nombreuses sociétés où c’est la coutume (et c’était aussi la coutume chez nous jusqu’au XIXe siècle) trouvent aussi la bastonnade tout à fait normale et ne songent pas plus à la remettre en question que nous ne songeons à contester la gifle ou la fessée.

Quel fut l’élément déclencheur de votre prise de conscience sur la violence éducative ordinaire?

La lecture du livre C’est pour ton bien, d’Alice Miller. Je m’interrogeais sur la violence humaine depuis mon enfance où j’ai connu la guerre et les bombardements. Pourquoi les hommes s’entretuent-ils comme ils le font ? Or, Alice Miller montre que la plus grande partie de la violence humaine, y compris les violences collectives, sociales ou politiques, a pour origine les violences subies dans l’enfance: abus sexuels, abandon, manque d’amour et, beaucoup plus général, presque universel, l’emploi de la violence pour ‘corriger’ les enfants.

Pourquoi avoir fondé l’observatoire sur la violence éducative ordinaire?

J’ai fondé cet observatoire pour essayer de faire prendre conscience à l’opinion publique de l’importance quantitative et qualitative de la violence éducative, cette forme de violence que nous avons tendance à ne pas voir, à minimiser (on ne parle que de ‘petites tapes sur les couches’, de ‘petites tapes sur la main’…), à justifier, à considérer comme indispensable. Dans le livre que je suis en train de terminer, je montre que cette cécité sélective est poussée à un tel point que sur plus de cent auteurs, chercheurs, philosophes, psychanalystes, historiens qui ont écrit ces dernières années des livres dont le titre annonce qu’ils vont traiter de la violence, 90% d’entre eux ne disent pas un mot, vraiment pas un mot, de la violence éducative, et le plus souvent même pas de la maltraitance.

La fondation pour l’enfance vient de lancer une campagne anti-gifles et fessées. Qu’en pensez-vous?

J’en ai été très heureux. Et je suis allé participer mercredi à Paris au lancement de cette campagne. J’ai trouvé que le film était très intelligemment axé sur le fait que la violence éducative est un phénomène de reproduction de génération en génération, et il ne m’a pas paru culpabilisant pour les parents. Selon de récentes recherches, les coups reçus par les enfants provoquent des lésions et entravent leur développement .

Pouvez-vous nous expliquer de quelle manière?

Quand un enfant reçoit des coups, son organisme réagit comme réagit l’organisme de tous les mammifères face à une agression. Dès la perception de la menace ou du coup, il sécrète en quantité des hormones qu’on appelle hormones du stress qui sont destinées à lui permettre de fuir ou de se défendre. Ces hormones ont pour effet d’accélérer les battements du cœur pour envoyer davantage de sang dans les membres et rendre la fuite ou la défense plus efficace. De plus, par une sorte de principe d’économie d’énergie, l’organisme désactive toutes les fonctions qui ne sont pas indispensables à la fuite ou à la défense, par exemple la digestion, la croissance et le système immunitaire.

Si l’enfant peut fuir ou se défendre, au bout d’un moment, l’équilibre se rétablit dans le corps, les hormones du stress s’évacuent et les fonctions stoppées se remettent en activité. Mais un enfant frappé ne peut ni fuir ni se défendre. A ce moment-là, comme l’avait montré Alain Resnais dans son film Mon oncle d’Amérique, les hormones du stress deviennent toxiques et attaquent les organes, notamment le système digestif et certaines parties du cerveau. Elles détruisent les neurones. Et d’autre part, comme la violence éducative est souvent répétitive, le système immunitaire à force d’être désactivé et réactivé, est altéré dans son fonctionnement et ne défend plus aussi bien l’organisme. Les enfants sont souvent d’autant plus vulnérables aux maladies qu’ils ont été davantage frappés.

Dans Matthieu, 19:15, Jésus dit « si vous ne vous convertissez et ne devenez comme les petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. (…) Mais, si quelqu’un scandalisait un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu’on suspende à son cou une meule de moulin, et qu’on le jette au fond de la mer. » Pourquoi cette parole du Christ n’a-t-elle pas été comprise par les chrétiens?

Je n’hésite pas à dire que les propos du Christ sur les enfants sont les plus révolutionnaires de l’Evangile. Je ne leur connais aucun équivalent dans aucune religion. Ils sont pour moi une des preuves que Jésus n’était pas seulement un homme. Alice Miller pensait que s’il avait pu les prononcer, c’est qu’il avait été exceptionnellement aimé, protégé et respecté par ses parents, comme le disent d’ailleurs les Evangiles qui parlent de son enfance.Quand Jésus enfant fait ce que nous appellerions une fugue, et qui plus est une fugue de trois jours, pour discuter avec les prêtres dans le temple, non seulement ses parents ne le frappent pas, mais ils lui disent simplement leur incompréhension et leur angoisse.

Malheureusement, ces propos sur les enfants n’ont jamais été compris par les Eglises chrétiennes comme ils auraient dû l’être. Quand Jésus nous présente les enfants comme des modèles à suivre pour entrer au Royaume des cieux, il est évident qu’il ne nous les présente pas comme des êtres qu’il faudrait corriger, et à plus forte raison à coups de bâton! On ne corrige pas des modèles, on les suit, on les imite. Mais la société du temps de Jésus, comme la nôtre il y a peu, était une société où, pour suivre la douzaine de proverbes bibliques qui traitent de l’éducation, on battait les enfants pour faire sortir la « folie » qui était en eux (Proverbes, 22, 15: La folie est au cœur de l’enfant; le fouet bien appliqué l’en délivre.)

Les disciples de Jésus avaient donc été élevés de cette façon par des parents qu’ils respectaient plus que tout. Il leur était donc pratiquement impossible d’imaginer que les paroles de Jésus pouvaient s’appliquer à cette méthode d’éducation. De même, quand Jésus dit à propos de quelqu’un qui ‘scandalise’ un enfant : « Mieux vaudrait pour lui se voir passer une pierre à moudre et être précipité dans la mer que de scandaliser un seul de ces petits », il est évident que le fait de donner à un enfant l’exemple de la violence en le battant et, qui plus est, l’exemple de la violence d’un être fort sur l’être le plus faible et sans défense qui soit, est une façon de le scandaliser.

Mais les anciens enfants qu’étaient les apôtres éprouvaient certainement à l’égard de leurs parents un attachement si viscéral qu’il leur était impossible de comprendre le sens de ces paroles. Résultat: l’Eglise n’a jamais remis en question la façon traditionnelle d’élever les enfants à coups de bâton, que ce soit dans les familles ou dans les écoles, et les institutions religieuses ont souvent été des enfers pour les enfants. On en a eu encore récemment des exemples avec les établissements irlandais tenus par des religieuses qui battaient comme plâtre les jeunes filles qu’on leur confiait.

L’incompréhension des premiers chrétiens à l’égard des paroles de Jésus sur les enfants apparaît de façon évidente dans le premier livre des Confessions de saint Augustin. Il en arrive même à corriger à sa manière le sens de la phrase du Christ: « A leurs pareils le Royaume des cieux » qui, d’après lui, voudrait dire non pas que les enfants sont innocents, ce qui est quasi-incompréhensible pour des adultes qui trouvent normal d’avoir été battus, mais qu’ils sont humbles, au sens étymologiques du mot: proches de l’humus, de la terre. Je suis pour ma part convaincu que c’est l’incompréhension de ces paroles de Jésus qui a fait que le christianisme a été en échec face au problème de la violence. Prêcher l’amour du prochain ne signifiait plus rien, ne pouvait avoir aucune efficacité, quand, parallèlement, on élevait les unes après les autres les générations d’enfants de manière à les rendre viscéralement violents par le traitement qu’on leur faisait subir.

Et malheureusement l’Eglise jusqu’à présent n’a pas bougé d’un iota sur ce point. Le Catéchisme de l’Eglise catholique, approuvé par le Pape en 1992, dit ceci à propos des parents: « En sachant reconnaître devant eux leurs propres défauts, ils seront mieux à même de les guider et de les corriger. » Qui aime son fils lui prodigue des verges, qui corrige son fils en tirera profit  » (Si 30, 1-2).

Quelle est la position des différentes religions par rapport aux châtiments corporels infligés aux enfants?

La première religion qui ait de façon assez radicale remis en question les châtiments corporels est une religion issue de l’islam: la religion Bahaï, née en Iran au début du XIXe siècle, et dont le fondateur s’est opposé à la méthode utilisée couramment dans les écoles coraniques. Certains Quakers ont aussi dénoncé la pratique des punitions corporelles infligées aux enfants. Mais le plus souvent les religions chrétiennes ont au contraire refusé qu’on les interdise lorsque les Etats, à l’incitation du Comité des droits de l’enfant de l’ONU, ont commencé à voter des lois d’interdiction.

Je crois que les méthodistes, aux Etats-Unis, ont pris position contre les punitions corporelles. Même chose pour le Conseil Œcuménique des Eglises (protestantes) en Afrique. Bizarrement, c’est dans la religion musulmane où pourtant la pratique des punitions corporelles est très intense, qu’on a vu des philosophes (par exemple Miskawayh, philosophe du Xe siècle, ou encore Ibn Khaldûn, historien du XIVe siècle) analyser avec le plus de perspicacité les effets nocifs des punitions corporelles.

Que répondez-vous aux parents, ces anciens enfants, qui disent « moi aussi j’ai reçu des gifles et des fessée. Ça ne m’a pas traumatisé » ?

Il est vrai que chez beaucoup de gens les effets des fessées ou des gifles sont atténués par l’affection que leurs parents leur ont donnée par ailleurs, ou/et par le fait que les punitions n’ont pas été données arbitrairement mais d’une manière qui leur a paru « juste ». Malheureusement, il y a toujours un effet secondaire qui demeure et qui montre que ces personnes ont subi en quelque sorte une lésion du sens moral, c’est que les parents qui disent cela trouvent normal :

  1. Que l’on frappe les enfants
  2. Qu’un être grand et fort frappe un être petit et faible.

Or, ces deux faits sont en contradiction avec le principe le plus élémentaire de la morale qu’ils cherchent en général à inculquer à leurs enfants: ne fais pas aux autres ce que tu ne veux pas qu’on te fasse. Et en général ils ne voient même pas la contradiction entre ce principe et ce qu’ils pratiquent et recommandent. Cette forme de cécité est bien la marque d’un traumatisme, mais non ressenti comme tel. Alice Miller a intitulé un de ses livres publié d’abord en allemand : « Tu ne t’apercevras de rien ». C’est un des effets les plus redoutables de la violence éducative.

Selon vous, les Français sont-ils prêts à changer leur approche de « la bonne fessée qui n’a jamais fait de mal à personne » ?

Il y a une évolution, surtout chez les jeunes parents, mais elle est très lente et les résistances sont très fortes. Elles sont dues en grande partie à l’attachement que nous avons à l’égard de nos parents. Il nous est très difficile de remettre en cause ce qu’ils nous ont fait subir.

Faut-il absolument légiférer pour faire évoluer les mentalités?

C’est précisément l’attachement que nous avons à l’égard de nos parents qui fait qu’il est indispensable de légiférer. Nos parents font partie de notre psychisme. Quand nous frappons nos enfants, en un sens, ce sont eux qui frappent à travers nous (ce qu’exprime très bien le film de la fondation pour l’enfance). Tant qu’une autorité supérieure à celle des parents ne dit pas clairement qu’il est inacceptable de frapper les enfants et qu’ils doivent être respectés comme on respecte les adultes et les personnes âgées, l’usage ne changera pas, ou très lentement comme il change depuis le début du XIXe siècle.

Or, vu la nécessité où nous nous trouvons, notamment avec la crise climatique, d’effectuer des changements profonds dans notre comportement, il est urgent de permettre aux nouvelles générations de disposer de toutes leurs facultés affectives, intellectuelles et morales pour affronter les situations vers lesquelles nous allons. Et la violence éducative altère ces facultés. J’ajoute que dans un grand nombre de pays où les enfants sont encore frappés à coups de bâton ou punis d’autres manières aussi violentes, la situation est bien pire que chez nous et qu’il est donc urgent de donner l’exemple du renoncement à cette méthode d’éducation.
Pour aller plus loin :

La fessée, Olivier Maurel, éditions La Plage 2007 (réédition)

Oui, la nature humaine est bonne, éditions Robert Laffont 2009

Œdipe et Laos. Dialogue sur l’origine de la violence, éditions L’Harmattan

J’ai tout essayé, Isabelle Filliozat, éditions Jean-Claude Lattès

http://www.oveo.org/ (OVEO)

http://www.lemondedesreligions.fr/entretiens/les-propos-du-christ-sur-les-enfants-sont-les-plus-revolutionnaires-de-l-evangile-29-04-2011-1480_111.php

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Critique de « Oui, la nature humaine est bonne »

« Un de ces rares ouvrages qui, bien compris, pourrait infléchir l’Histoire ».

Vrai de vrai, c’est ce qu’a écrit, en première page du Monde des livres du 18 juin 2009, la romancière et essayiste Nancy Huston à propos de mon nouveau livre paru le 22 janvier 2009 :

OUI, LA NATURE HUMAINE EST BONNE !

Comment la violence éducative la pervertit depuis des millénaires
(Robert Laffont)

Voici le texte complet de son article :

Qui châtie bien fait beaucoup de mal…

Le titre (qui n’est pas de l’auteur) fait frémir. La thèse (que résume le sous-titre) fait pouffer. C’est tellement énorme, se dit-on, que ce doit être simpliste, donc faux. Nous voilà au cœur du problème : l’espèce humaine est cette étrange espèce qui aime dire et entendre dire du mal d’elle-même, croire sa nature mauvaise plutôt que bonne.

Olivier Maurel, auteur d’un précédent ouvrage sur la fessée, explore ici tous les tenants et aboutissants du thème de la violence éducative. Une fois que l’on en a entamé la lecture, on cesse de pouffer et on écoute. On se souvient, peut-être, de l’enfant qu’on a été, et des coups que l’on a reçus. On apprend que, partout dans le monde, « 80 à 90 % des enfants sont soumis à la violence éducative pratiquée dans leur pays ».

Ainsi, la première leçon d’éthique inculquée aux petits humains est-elle une leçon paradoxale : le fort a le droit de faire mal au faible, serait-ce pour lui apprendre à ne jamais faire mal à plus faible que soi ! Le mépris des enfants suscite, chez les enfants méprisés devenus adultes, le mépris des enfants. D’où un refus de prendre au sérieux leur souffrance, et une tendance à la perpétuer, dans un des plus vieux cercles vicieux du monde.

Boussole intérieure perturbée

Le cerveau de l’enfant est justement en train de se former. Secoué, choqué, déstabilisé par la violence, incapable de critiquer ceux qui la lui infligent, dont il dépend entièrement pour sa survie, l’enfant tourne son stress contre lui-même, avec des résultats désastreux pour sa santé physique et mentale. Sa boussole intérieure est perturbée. Ses pensées se scindent de ses émotions et il apprend à ne plus éprouver de la compassion, d’abord pour lui-même, ensuite pour les autres.

En une fresque magistrale, Maurel passe en revue la philosophie, les religions, les traités d’éducation et la littérature, de l’Antiquité à nos jours. Il montre comment les trois monothéismes ont élaboré le concept d’un Dieu paternel et punissant, modèle et justification des pères réels châtiant leurs enfants. Les garçons sont plus frappés que les filles, précisément pour qu’ils ne deviennent pas des « femmelettes ».

Alors que Jésus incarnait à cet égard une attitude révolutionnaire (« Si vous ne devenez pas comme des petits enfants, vous n’entrerez pas au royaume des cieux »), saint Augustin – après s’être amèrement plaint des châtiments subis pendant sa scolarité – formulera le dogme du péché originel qui fera de chaque humain à la naissance un être mauvais, devant être contraint par la force à emprunter la voie du Bien.

Le chapitre le plus lumineux du livre est peut-être celui qui rapproche ce dogme chrétien de celui, psychanalytique, du complexe d’Œdipe. En décidant de ne plus croire aux abus sexuels subis par ses patient(e)s, Freud opère un retournement spectaculaire : alors que les vrais fautifs étaient les pères, le coupable désigné sera l’enfant. Ce ne sont pas les adultes qui violent ou maltraitent leurs rejetons, mais ceux-ci, « pervers polymorphes », qui rêvent d’inceste et de parricide. D’où, pour Freud, cette certitude : « Il faut que l’éducation inhibe, interdise, réprime. »

Impressionnants pères sévères

Les conséquences de cette misopédie généralisée sont ahurissantes mais prévisibles. Un garçon battu aura plus de chances de battre sa femme et ses enfants ; une fille battue, de devenir une femme battue et de battre ses enfants. Ont été des enfants gravement maltraités, non seulement la quasi-totalité des délinquants et des criminels, mais aussi les hommes politiques s’arrimant à des idéologies virulentes et désignant à leur tour des boucs émissaires à éliminer, de Milosevic à Hitler, Staline ou Mao. On n’aime pas entendre cela. On est tellement impressionné par ces « pères sévères » que la seule idée de chercher à expliquer leurs méfaits par leur enfance nous frustre de notre colère. On est tellement fasciné par l’horreur d’Auschwitz qu’on préfère ou bien la sacraliser en décrétant qu’elle est incompréhensible, qu’ »il n’y a pas de pourquoi » – ou, au contraire, la banaliser en prétendant que tout un chacun est susceptible de devenir bourreau.

Si on lit le livre d’Olivier Maurel, on ne pourra plus raisonner ainsi. On apprendra, d’une part, que toutes les populations s’étant livrées à des génocides avaient reçu une éducation basée sur la discipline, la punition, l’obéissance aveugle, et, d’autre part, que les individus ayant refusé de collaborer au déploiement du mal extrême, ayant préservé leur compassion (les « Justes » par exemple), avaient vécu, petits, dans la tendresse et le respect de leur entourage.

Certes, malgré la puissance des arguments de Maurel et la pléthore de ses preuves, plusieurs questions restent sans réponse. Quid, par exemple, des parents permissifs, dont les enfants peuvent être ultraviolents ? Quid de la violence comme preuve de liberté, chère à l’Homme du souterrain de Dostoïevski ? Quid, surtout, des autres causes de la violence ? Car celle-ci, pour les êtres fabulateurs que nous sommes, est une source inépuisable d’histoires, d’intrigues, de rebondissements et d’effets inattendus. Bien plus que la création (qui, elle, est toujours lente et laborieuse, toujours partielle), la destruction – instantanée, spectaculaire – nous donne un accès rapide et euphorisant à la toute-puissance divine.

Oui la nature humaine est bonne ! soulève un sacré lièvre. Il faut surmonter ses résistances, le lire et le faire lire. C’est un de ces rares ouvrages qui, bien compris, pourrait infléchir l’Histoire.

ai de vrai, c’est ce qu’a écrit, en première page du Monde des livres du 18 juin 2009, la romancière et essayiste Nancy Huston à propos de mon nouveau livre paru le 22 janvier 2009 :
OUI, LA NATURE HUMAINE EST BONNE ! Comment la violence éducative la pervertit depuis des millénaires
(Robert Laffont).Voici le texte complet de son article :

Qui châtie bien fait beaucoup de mal…

Le titre (qui n’est pas de l’auteur) fait frémir. La thèse (que résume le sous-titre) fait pouffer. C’est tellement énorme, se dit-on, que ce doit être simpliste, donc faux. Nous voilà au coeur du problème : l’espèce humaine est cette étrange espèce qui aime dire et entendre dire du mal d’elle-même, croire sa nature mauvaise plutôt que bonne.

Olivier Maurel, auteur d’un précédent ouvrage sur la fessée, explore ici tous les tenants et aboutissants du thème de la violence éducative. Une fois que l’on en a entamé la lecture, on cesse de pouffer et on écoute. On se souvient, peut-être, de l’enfant qu’on a été, et des coups que l’on a reçus. On apprend que, partout dans le monde, « 80 à 90 % des enfants sont soumis à la violence éducative pratiquée dans leur pays ».

Ainsi, la première leçon d’éthique inculquée aux petits humains est-elle une leçon paradoxale : le fort a le droit de faire mal au faible, serait-ce pour lui apprendre à ne jamais faire mal à plus faible que soi ! Le mépris des enfants suscite, chez les enfants méprisés devenus adultes, le mépris des enfants. D’où un refus de prendre au sérieux leur souffrance, et une tendance à la perpétuer, dans un des plus vieux cercles vicieux du monde.

Boussole intérieure perturbée
Le cerveau de l’enfant est justement en train de se former. Secoué, choqué, déstabilisé par la violence, incapable de critiquer ceux qui la lui infligent, dont il dépend entièrement pour sa survie, l’enfant tourne son stress contre lui-même, avec des résultats désastreux pour sa santé physique et mentale. Sa boussole intérieure est perturbée. Ses pensées se scindent de ses émotions et il apprend à ne plus éprouver de la compassion, d’abord pour lui-même, ensuite pour les autres.

En une fresque magistrale, Maurel passe en revue la philosophie, les religions, les traités d’éducation et la littérature, de l’Antiquité à nos jours. Il montre comment les trois monothéismes ont élaboré le concept d’un Dieu paternel et punissant, modèle et justification des pères réels châtiant leurs enfants. Les garçons sont plus frappés que les filles, précisément pour qu’ils ne deviennent pas des « femmelettes ».

Alors que Jésus incarnait à cet égard une attitude révolutionnaire (« Si vous ne devenez pas comme des petits enfants, vous n’entrerez pas au royaume des cieux »), saint Augustin – après s’être amèrement plaint des châtiments subis pendant sa scolarité – formulera le dogme du péché originel qui fera de chaque humain à la naissance un être mauvais, devant être contraint par la force à emprunter la voie du Bien.
Le chapitre le plus lumineux du livre est peut-être celui qui rapproche ce dogme chrétien de celui, psychanalytique, du complexe d’Œdipe. En décidant de ne plus croire aux abus sexuels subis par ses patient(e)s, Freud opère un retournement spectaculaire : alors que les vrais fautifs étaient les pères, le coupable désigné sera l’enfant. Ce ne sont pas les adultes qui violent ou maltraitent leurs rejetons, mais ceux-ci, « pervers polymorphes », qui rêvent d’inceste et de parricide. D’où, pour Freud, cette certitude : « Il faut que l’éducation inhibe, interdise, réprime. »

Impressionnants pères sévères
Les conséquences de cette misopédie généralisée sont ahurissantes mais prévisibles. Un garçon battu aura plus de chances de battre sa femme et ses enfants ; une fille battue, de devenir une femme battue et de battre ses enfants. Ont été des enfants gravement maltraités, non seulement la quasi-totalité des délinquants et des criminels, mais aussi les hommes politiques s’arrimant à des idéologies virulentes et désignant à leur tour des boucs émissaires à éliminer, de Milosevic à Hitler, Staline ou Mao. On n’aime pas entendre cela. On est tellement impressionné par ces « pères sévères » que la seule idée de chercher à expliquer leurs méfaits par leur enfance nous frustre de notre colère. On est tellement fasciné par l’horreur d’Auschwitz qu’on préfère ou bien la sacraliser en décrétant qu’elle est incompréhensible, qu’ »il n’y a pas de pourquoi » – ou, au contraire, la banaliser en prétendant que tout un chacun est susceptible de devenir bourreau.

Si on lit le livre d’Olivier Maurel, on ne pourra plus raisonner ainsi. On apprendra, d’une part, que toutes les populations s’étant livrées à des génocides avaient reçu une éducation basée sur la discipline, la punition, l’obéissance aveugle, et, d’autre part, que les individus ayant refusé de collaborer au déploiement du mal extrême, ayant préservé leur compassion (les « Justes » par exemple), avaient vécu, petits, dans la tendresse et le respect de leur entourage.

Certes, malgré la puissance des arguments de Maurel et la pléthore de ses preuves, plusieurs questions restent sans réponse. Quid, par exemple, des parents permissifs, dont les enfants peuvent être ultraviolents ? Quid de la violence comme preuve de liberté, chère à l’Homme du souterrain de Dostoïevski ? Quid, surtout, des autres causes de la violence ? Car celle-ci, pour les êtres fabulateurs que nous sommes, est une source inépuisable d’histoires, d’intrigues, de rebondissements et d’effets inattendus. Bien plus que la création (qui, elle, est toujours lente et laborieuse, toujours partielle), la destruction – instantanée, spectaculaire – nous donne un accès rapide et euphorisant à la toute-puissance divine.

Oui la nature humaine est bonne ! soulève un sacré lièvre. Il faut surmonter ses résistances, le lire et le faire lire. C’est un de ces rares ouvrages qui, bien compris, pourrait infléchir l’Histoire. »Un de ces rares ouvrages qui, bien compris, pourrait infléchir l’Histoire ».

Vrai de vrai, c’est ce qu’a écrit, en première page du Monde des livres du 18 juin 2009, la romancière et essayiste Nancy Huston à propos de mon nouveau livre paru le 22 janvier 2009 :
OUI, LA NATURE HUMAINE EST BONNE ! Comment la violence éducative la pervertit depuis des millénaires
(Robert Laffont).

Voici le texte complet de son article :

Qui châtie bien fait beaucoup de mal…

Le titre (qui n’est pas de l’auteur) fait frémir. La thèse (que résume le sous-titre) fait pouffer. C’est tellement énorme, se dit-on, que ce doit être simpliste, donc faux. Nous voilà au coeur du problème : l’espèce humaine est cette étrange espèce qui aime dire et entendre dire du mal d’elle-même, croire sa nature mauvaise plutôt que bonne.

Olivier Maurel, auteur d’un précédent ouvrage sur la fessée, explore ici tous les tenants et aboutissants du thème de la violence éducative. Une fois que l’on en a entamé la lecture, on cesse de pouffer et on écoute. On se souvient, peut-être, de l’enfant qu’on a été, et des coups que l’on a reçus. On apprend que, partout dans le monde, « 80 à 90 % des enfants sont soumis à la violence éducative pratiquée dans leur pays ».

Ainsi, la première leçon d’éthique inculquée aux petits humains est-elle une leçon paradoxale : le fort a le droit de faire mal au faible, serait-ce pour lui apprendre à ne jamais faire mal à plus faible que soi ! Le mépris des enfants suscite, chez les enfants méprisés devenus adultes, le mépris des enfants. D’où un refus de prendre au sérieux leur souffrance, et une tendance à la perpétuer, dans un des plus vieux cercles vicieux du monde.

Boussole intérieure perturbée
Le cerveau de l’enfant est justement en train de se former. Secoué, choqué, déstabilisé par la violence, incapable de critiquer ceux qui la lui infligent, dont il dépend entièrement pour sa survie, l’enfant tourne son stress contre lui-même, avec des résultats désastreux pour sa santé physique et mentale. Sa boussole intérieure est perturbée. Ses pensées se scindent de ses émotions et il apprend à ne plus éprouver de la compassion, d’abord pour lui-même, ensuite pour les autres.

En une fresque magistrale, Maurel passe en revue la philosophie, les religions, les traités d’éducation et la littérature, de l’Antiquité à nos jours. Il montre comment les trois monothéismes ont élaboré le concept d’un Dieu paternel et punissant, modèle et justification des pères réels châtiant leurs enfants. Les garçons sont plus frappés que les filles, précisément pour qu’ils ne deviennent pas des « femmelettes ».

Alors que Jésus incarnait à cet égard une attitude révolutionnaire (« Si vous ne devenez pas comme des petits enfants, vous n’entrerez pas au royaume des cieux »), saint Augustin – après s’être amèrement plaint des châtiments subis pendant sa scolarité – formulera le dogme du péché originel qui fera de chaque humain à la naissance un être mauvais, devant être contraint par la force à emprunter la voie du Bien.
Le chapitre le plus lumineux du livre est peut-être celui qui rapproche ce dogme chrétien de celui, psychanalytique, du complexe d’Œdipe. En décidant de ne plus croire aux abus sexuels subis par ses patient(e)s, Freud opère un retournement spectaculaire : alors que les vrais fautifs étaient les pères, le coupable désigné sera l’enfant. Ce ne sont pas les adultes qui violent ou maltraitent leurs rejetons, mais ceux-ci, « pervers polymorphes », qui rêvent d’inceste et de parricide. D’où, pour Freud, cette certitude : « Il faut que l’éducation inhibe, interdise, réprime. »

Impressionnants pères sévères
Les conséquences de cette misopédie généralisée sont ahurissantes mais prévisibles. Un garçon battu aura plus de chances de battre sa femme et ses enfants ; une fille battue, de devenir une femme battue et de battre ses enfants. Ont été des enfants gravement maltraités, non seulement la quasi-totalité des délinquants et des criminels, mais aussi les hommes politiques s’arrimant à des idéologies virulentes et désignant à leur tour des boucs émissaires à éliminer, de Milosevic à Hitler, Staline ou Mao. On n’aime pas entendre cela. On est tellement impressionné par ces « pères sévères » que la seule idée de chercher à expliquer leurs méfaits par leur enfance nous frustre de notre colère. On est tellement fasciné par l’horreur d’Auschwitz qu’on préfère ou bien la sacraliser en décrétant qu’elle est incompréhensible, qu’ »il n’y a pas de pourquoi » – ou, au contraire, la banaliser en prétendant que tout un chacun est susceptible de devenir bourreau.

Si on lit le livre d’Olivier Maurel, on ne pourra plus raisonner ainsi. On apprendra, d’une part, que toutes les populations s’étant livrées à des génocides avaient reçu une éducation basée sur la discipline, la punition, l’obéissance aveugle, et, d’autre part, que les individus ayant refusé de collaborer au déploiement du mal extrême, ayant préservé leur compassion (les « Justes » par exemple), avaient vécu, petits, dans la tendresse et le respect de leur entourage.

Certes, malgré la puissance des arguments de Maurel et la pléthore de ses preuves, plusieurs questions restent sans réponse. Quid, par exemple, des parents permissifs, dont les enfants peuvent être ultraviolents ? Quid de la violence comme preuve de liberté, chère à l’Homme du souterrain de Dostoïevski ? Quid, surtout, des autres causes de la violence ? Car celle-ci, pour les êtres fabulateurs que nous sommes, est une source inépuisable d’histoires, d’intrigues, de rebondissements et d’effets inattendus. Bien plus que la création (qui, elle, est toujours lente et laborieuse, toujours partielle), la destruction – instantanée, spectaculaire – nous donne un accès rapide et euphorisant à la toute-puissance divine.

Oui la nature humaine est bonne ! soulève un sacré lièvre. Il faut surmonter ses résistances, le lire et le faire lire. C’est un de ces rares ouvrages qui, bien compris, pourrait infléchir l’Histoire.

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Lettre au Professeur Ph. Jeammet

Monsieur le Professeur,

Si l’article du Monde d’aujourd’hui 9 janvier sur les punitions est fidèle à vos propos, vous auriez dit, à propos de la fessée : “Si cela n’est pas excessif, ce peut être une réaction saine à un moment donné ».

Je me permets de vous dire que de tels propos témoignent, de votre part, d’un manque d’information et même de réflexion étonnant.

La fessée est inséparable de l’ensemble des punitions corporelles pratiquées sur les enfants parce que, comme toute ces punitions, elle repose sur le principe qu’on a le droit de faire violence aux enfants. A partir du moment où ce principe est admis, les dérives vers la maltraitance sont inévitables.

En effet, outre que la fessée en elle-même, quoi que vous en pensiez, est déjà nocive, il y aura toujours un fort pourcentage de parents qui, à cause des violences qu’ils ont eux-mêmes subies, à cause du stress de la vie actuelle, à cause des traditions de leur pays d’origine (pratique admise de la bastonnade en Afrique ou aux Antilles) ou encore à cause du feed-back des enfants (“Même pas mal !”), passeront de la violence éducative tolérée (voire encouragée par vous !) à la maltraitance caractérisée.

Admettre le principe qu’on a le droit de frapper les enfants, c’est rendre d’emblée inefficace la lutte contre la maltraitance puisqu’on prétend alors lutter contre un phénomène social tout en en admettant les prodromes. La violence éducative ordinaire, c’est-à dire admise par la société est le terreau de la maltraitance physique, mais aussi psychique car admettre qu’on a le droit de frapper les enfants, c’est les réduire à un niveau de sous-humanité qui ne mérite pas le respect.

La preuve en est que, sur les enfants, et sur les enfants seulement, on juge avoir le droit d’enfreindre le principe le plus basique et le plus universel de la morale, celui qu’on trouve dans toutes les religions : “Ne fais pas aux autres ce que tu ne veux pas qu’on te fasse.”

Vous savez très bien que si l’on disait aux maris violents que si les gifles qu’ils donnent à leur femme “ne sont pas excessives”, elles peuvent être “une réaction saine à un moment donné”, ce serait encourager la violence conjugale. Pourquoi ne le reconnaissez-vous pas en ce qui concerne les enfants ?

De plus, de même que la fessée est inséparable de la maltraitance sur le plan national, elle est inséparable, en tant que punition corporelle, des violences beaucoup plus intenses qui sont admises sur les enfants dans la majorité des pays du monde où l’on pratique la bastonnade et bien d’autres sévices qui, appliqués à des adultes, déclencheraient des campagnes d’Amnesty International ou de l’ACAT.

L’interdiction que toutes les institutions internationales (UNICEF, Comité des droits de l’enfant, OMS – ce qu’en tant que médecin vous ne devriez pas ignorer – , Conseil de l’Europe) demandent aux États de prononcer, c’est l’interdiction de toutes les punitions corporelles, et il n’est évidemment pas question d’en excepter certaines, un peu comme si on disait : “Vous n’avez pas le droit de donner des coups de bâton aux femmes, aux prisonniers, à vos employé de maison, mais vous pouvez les gifler, et même “ça peut être une réaction saine à un moment donné” !

L’interdiction doit être la même pour toutes les violences, sinon on n’arrivera jamais à lutter contre les plus intenses.

Et quand vous souhaitez que “les adultes reprennent confiance et se sentent autorisés à imposer des limites à leurs enfants », vous devriez tenir compte du fait que les limites imposées par la violence aux enfants sont précisément, pour les parents qu’ils deviennent ensuite, une des causes de leur manque de confiance.

Quand on stoppe par une claque ou une fessé le comportement d’un enfant qu’on juge inacceptable, on le dresse à ne pas avoir confiance en lui puisqu’on ne fait appel qu’à sa peur d’être frappé.

De grâce, Monsieur le Professeur, informez-vous sérieusement sur la réalité de la pratique des punitions corporelles. Et plutôt que de chercher à déculpabiliser les parents qui frappent, informez-les sur les méthodes multiples qui permettent de poser des limites sans violence physique ou psychique.

Avec le plus grand respect pour votre personne, mais plus modéré pour vos propos.