Olivier Maurel

Écrivain militant – Non à la violence éducative !

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Les chiens de Seligman et la violence éducative.

Article publié le 16 janvier 2014 sur ma page Facebook.

Les défenseurs des punitions corporelles les justifient parfois par la dureté de la vie : « Il faut bien y préparer les enfants », nous dit-on.

Les punitions corporelles seraient en quelques sorte un entraînement qui permettrait aux enfants de mieux affronter les épreuves de la vie. Mais ce n’est pas ainsi que fonctionnent les mammifères que nous sommes. Les expériences menées sur des chiens par le psychologue américain Martin Seligman, en 1976, et dont je n’ai parlé dans aucun de mes livres, ont montré au contraire qu’un animal puni perd une partie de son aptitude à réagir aux situations de stress. Ces expériences sont cruelles, mais du moment qu’elles ont été faites et qu’il est trop tard pour les empêcher, tant vaut-il au moins profiter de leur enseignement.

Seligman a soumis des chiens à des chocs électriques dans deux cages différentes : l’une dans laquelle le chien pouvait interrompre les chocs en appuyant sur un levier, l’autre qui n’offrait aucune possibilité d’action sur le circuit électrique. Placés ensuite dans une situation nouvelle où, enfermés également dans une cage, les deux chiens pouvaient facilement échapper aux chocs électriques en franchissant une cloison basse, ils ont réagi différemment.

Le premier chien qui avait pu échapper aux chocs électriques avait gardé intacte sa capacité à réagir à une situation dangereuse, et il a immédiatement franchi la cloison qui l’a mis à l’abri des chocs. Le second, qui avait appris son impuissance à maîtriser une situation potentiellement dangereuse, a subi passivement les chocs et n’a pas cherché à franchir la cloison. C’est ce qu’on a appelé l’impuissance apprise ou « learned helplessness ».

Il serait bon que tous les parents et tous les enseignants connaissent cette expérience. Les enfants soumis à des violences auxquelles ils ne peuvent pas échapper, puisqu’ils sont totalement dépendants de leurs parents, apprennent non seulement par leur intelligence mais aussi par leur corps, un comportement d’impuissance et de résignation à l’échec qui peut être dangereux.

Ainsi, l’expérience des punitions loin de préparer à affronter les difficultés de la vie, provoque au contraire une incapacité à réagir face à ces mêmes difficultés. Il est très probable que les violences verbales ou psychologiques, notamment les jugements dépréciatifs, agissent de la même façon sur le psychisme ; que la soumission à la violence conjugale prend sa source dans les mêmes expériences d’échec subies depuis la petite enfance sous les punitions des parents et que l’habitude de recevoir des fessées risque de rendre les enfants incapables de réagir de façon appropriée à un abus sexuel.