Olivier Maurel

Écrivain militant – Non à la violence éducative !

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Philosophie et enfance heureuse

Je viens de trouver un texte du philosophe Merleau-Ponty (1908-1961) qui me paraît bien intéressant et qui me semble, par la lucidité dont a fait preuve en général ce philosophe, confirmer ce que je crois du rapport entre enfance heureuse, épanouissement de la personnalité, rapport à soi-même et aux autres :

 » Quand je me souviens de mon enfance, je me souviens du bonheur. Je n’ai pas eu une enfance déchirée. (…) Freud disait que c’est un secours extraordinaire pour un être humain d’avoir été aimé. (…) J’ai eu ce secours aussi pleinement qu’on peut l’avoir. Il en résulte une espèce de loisir : je n’ai jamais été pressé, je n’ai jamais eu l’impression qu’il importait d’être un adulte tout de suite. (…) je n’ai pas eu cette espèce de hâte que je vois chez certains jeunes gens d’à présent. Et pas non plus cette difficulté d’être avec soi-même qui est si répandue chez eux. Certains deviennent philosophes parce qu’ils sont le siège de conflits, parce qu’il y a en eux des tendances contradictoires. Alors, ils ont besoin d’arbitrer ces tendances ou de choisir entre elles. Ce n’est pas du tout mon cas. J’ai conçu la philosophie non pas comme un drame (…) mais plutôt comme quelque chose d’assez apparenté, en somme, à l’art, c’est-à-dire comme une tentative d’expression rigoureuse de faire passer en mots ce qui d’ordinaire ne se met pas en mots, ce qui quelquefois est considéré comme de l’ordre de l’inexprimable. Voilà le genre d’intérêt que la philosophie suscite chez moi d’emblée. Ce qui définit le philosophe, c’est toujours l’idée que l’on peut comprendre l’autre, que l’on peut comprendre l’adversaire. La philosophie ne serait pas ce qu’elle est s’il n’y avait pas chez les philosophes cette intention, non pas seulement de se poser, mais de comprendre ce qui n’est pas eux et de comprendre au besoin ce qui les contredit.”

Merleau-Ponty, Entretiens radiophoniques avec Georges Charbonnier, Oeuvres, Gallimard, Quarto, 2010.

Merleau-Ponty a cosigné avec Sartre le premier article qui, en 1950, dans la revue Les Temps modernes, a dénoncé les camps soviétiques. Puis il s’est séparé de Sartre qui s’est, en 1953, aligné sur les positions soviétiques. A noter que Merleau-Ponty a aussi beaucoup travaillé sur la psychologie de l’enfant.