Olivier Maurel

Écrivain militant – Non à la violence éducative !

By admin

Déclarons la paix aux enfants

L’éducation sans violence, condition du développement de la non-violence

Pourquoi appelle-t-on :
- cruauté le fait de frapper un animal
- agression le fait de frapper un adulte
- éducation le fait de frapper un enfant ?
(Slogan anonyme)

Article publié pour la première fois dans la revue bouddhiste Ici et Maintenant (Numéro sur la non-violence)

Les études sur la violence humaine mentionnent très rarement parmi ses causes la violence éducative ordinaire.

80 à 90% des enfants (1) la subissent sur toute la surface de la terre: tapes, gifles et fessées en France et, dans beaucoup de pays, coups de ceinture, bastonnade et autres traitements cruels considérés comme normaux et éducatifs là où ils sont pratiqués.

L’enfant apprend tout par imitation, et surtout par imitation de ce qu’on lui fait subir. Ce qu’on enseigne à un enfant en le frappant, si faiblement que ce soit, c’est à frapper (2). Et la meilleure manière de lui apprendre le respect des autres, notamment des plus faibles, c’est de le respecter.

Or, c’est de la main même de leurs parents que la plupart des enfants font leur première expérience de la violence, et cela dès l’âge de quelques mois ou lors de leurs premiers pas, puis pendant toute la durée de la formation de leur cerveau. Pourquoi s’étonner que devenus adolescents puis adultes, ils recourent eux aussi à la violence comme on leur en a donné l’exemple à leurs propres dépens ? Et pourquoi s’étonner que des peuples entiers aient pu se soumettre à des leaders politiques violents et tyranniques quand on sait qu’ils y ont été dressés dès leur plus jeune âge par la violence de leurs parents?

La relation de l’enfant avec ses parents est souvent le prototype de ce que seront plus tard ses relations avec ses semblables.

Ce que l’enfant est aussi obligé d’apprendre, sous les coups de ses parents, c’est à se durcir pour supporter les coups, de même que la peau s’épaissit en cal sous l’effet du frottement. Se durcir, c’est-à-dire perdre la capacité de s’apitoyer sur soi comme sur les autres. La cruauté et l’indifférence avec laquelle des hommes apparemment civilisés ont été capables de traiter leurs semblables nous horrifie. Mais la manière dont ils ont été traités enfants suffit à expliquer cette cruauté et de cette indifférence. C’est la compassion reçue qui enseigne la compassion à l’égard des autres. L’absence de compassion envers les enfants fait des adultes sans pitié.

Alice Miller (3) a fait remarquer que les pires dictateurs du XXe siècle, Hitler, Staline, Mao, Ceaucescu, Saddam Hussein, Amin Dada, ont tous été des enfants victimes de maltraitance. Et les peuples sur lesquels ils ont pris le pouvoir avaient subi des méthodes éducatives autoritaires et violentes dont ils ont retrouvé l’écho dans la violence des discours de leurs dirigeants. Cette violence étant ressentie comme bénéfique (« C’est pour ton bien que je te fais mal! »), ils y ont adhéré avec enthousiasme. D’autant plus que ces discours leur désignaient des boucs émissaires sur lesquels ils pourraient évacuer la violence qu’ils avaient subie.

Le continent africain est actuellement le théâtre de violences extrêmes : enfants soldats contraints à tuer leurs parents, mutilations, viols, massacres… Or, l’éducation y est particulièrement violente. Une enquête menée en mai 2000 au Cameroun a montré que 90% des enfants subissent la bastonnade à l’école et à la maison. Les résultats ont été à peu près les mêmes au Maroc et au Togo.

Mais un des résultats les plus paradoxaux de la violence éducative, c’est l’aveuglement qu’elle produit aux traitements subis par les enfants. La plupart des gens qui ont été frappés considèrent ces traitements comme tout à fait normaux. Ils minimisent ou ils ne voient littéralement pas ce que subissent les enfants. De même, pendant des millénaires les grandes religions sont restées indifférentes aux violences que les parents infligeaient aux enfants, quand elles ne s’y sont pas activement associées dans leurs écoles, juives, chrétiennes ou coraniques, ainsi que par certains de leurs préceptes, notamment un bon nombre de proverbes bibliques. D’après les renseignements accessibles sur les pays de tradition bouddhiste, le bouddhisme ne semble pas faire exception à la règle. De même, à quelques rares exceptions près, les écrivains de tous les pays, qui ont pourtant décrit avec le plu [...]

Olivier Maurel est auteur de La Fessée, Questions sur la violence éducative (La Plage, 2004)

Pour toute réaction à cet article, écrire à Olivier Maurel 1013C Chemin de la Cibonne 83220 Le Pradet (France).

(1) Ce pourcentage résulte d’un grand nombre de sondages sur plusieurs continents. En France, 85% des parents recourent aux gifles et aux fessées, dont 30% avec une réelle violence (sondage SOFRES 2000).

(2) Il est bon de savoir que chez nos cousins les singes les mères ne frappent ni ne « punissent » jamais leurs petits. La violence éducative est un comportement acquis et aucun comportement inné de l’enfant ne le prépare à être agressé par la ou les personne(s) qui constituent sa base de sécurité.

(3) Auteur, notamment, de C’est pour ton bien (Aubier) et de plusieurs autres ouvrages sur les effets des traumatismes d’enfance sur la vie adulte.

(4) Documents disponibles auprès de l’auteur de cet article (joindre deux timbres pour la réponse) :
- Conseils pratiques pour une éducation sans violence.
- Comment intervenir quand on est témoin d’une scène de violence parent-enfant.
- Suggestions pour créer un atelier de parentalité.
- Manifeste contre la violence éducative (à envoyer au Premier ministre).